Alors que le gouvernement Bayrou présente son budget 2026 sous le signe de l’austérité, la députée Sarah Knafo sort sa propre carte. Son plan d’économies à 63 milliards fait parler, mais tient-il vraiment la route ? Entre réalisme budgétaire et posture politique, décryptage d’une contre-proposition qui agite le débat public.
Le contexte : un budget Bayrou sous le feu des critiques
Le 15 janvier 2025 restera comme une date clé dans le mandat de François Bayrou. Ce jour-là, le Premier ministre dévoile un plan d’économies de 43,8 milliards d’euros pour 2026. Deux mesures font particulièrement grincer des dents : la suppression du lundi de Pâques et du 8 mai comme jours fériés, et le gel des indexations des impôts et prestations sociales.
Objectif affiché ? Ramener le déficit public français à 3% du PIB d’ici 2029. Une nécessité européenne qui ressemble à un casse-tête politique. Dans ce contexte tendu, la contre-proposition de Sarah Knafo arrive à point nommé pour bousculer le débat.
Les 8 propositions de Sarah Knafo analysées une par une
Source : https://x.com/knafo_sarah/status/1945903215452504339
1. Réserver les prestations sociales aux Français : 15 à 20 milliards d’euros
Sur le papier, l’idée semble simple : pourquoi l’État français continuerait-il à distribuer des aides sociales à des non-nationaux ? Mais la réalité juridique est tout autre. Le droit européen garantit l’accès aux prestations pour tous les résidents légaux. Un mur constitutionnel difficile à franchir.
Quant aux chiffres avancés, ils relèvent davantage du slogan que de l’analyse rigoureuse. Les études sérieuses montrent que l’impact des immigrés sur les finances publiques tourne autour de 1 % du PIB, dans un sens ou dans l’autre. Difficile d’y voir la manne financière promise (Source importante : https://www.jean-jaures.org/publication/le-cout-de-limmigration-en-france-une-fake-news-a-lepreuve-de-la-verite/).
L’approche comptable permet pourtant d’évaluer objectivement les choses : en comparant les recettes générées par les immigrés (impôts, cotisations sociales) aux dépenses publiques dont ils bénéficient (éducation, santé, allocations), l’OCDE montre qu’ils rapportent en moyenne 0,88 € pour chaque euro dépensé à leur profit. Ce chiffre relativise clairement l’idée d’un « coût » systématique de l’immigration.
Verdict : Une mesure plus symbolique que réaliste, qui bute sur des obstacles juridiques insurmontables.
2. Suppression de l’aide publique au développement : 14,827 milliards d’euros
Le chiffre annoncé près de 15 milliards peut semer la confusion. En réalité :
• L’aide publique au développement (APD) totale de la France atteint environ 15,4 milliards $ en 2024 (≈ 14,3 milliards €), mais cela inclut les prêts, dont le volume a augmenté de 21 % pour compenser la baisse des dons. (Source : https://www.coordinationsud.org/actualite/locde-alerte-sur-la-chute-historique-de-laide-publique-au-developpement-mondiale/)
• Dans le Projet de loi de finances pour 2025, l’enveloppe purement gérée par l’État se monte à 5,7 milliards € en autorisations d’engagement (AE) et 5,1 milliards € en crédits de paiement (CP). (Source : https://www.senat.fr/rap/l24-144-34/l24-144-340.html)
Techniquement possible ? Sans doute. Politiquement envisageable ? C’est une autre histoire. Les diplomates français ne voient pas d’un bon œil la disparition d’un outil essentiel de leur influence.
Verdict : Une économie réelle plus proche de 8 milliards, au prix d’un recul géopolitique majeur. (source : https://www.publicsenat.fr/actualites/international/budget-2025-le-senat-vote-une-coupe-budgetaire-de-35-dans-laide-publique-au-developpement)
3. Suppression des soutiens publics aux énergies renouvelables : 7,983 milliards d’euros
Le montant semble cohérent avec les engagements de l’État dans la transition énergétique. Mais à quel prix ? Bruxelles ne manquerait pas de rappeler la France à ses obligations climatiques, avec des sanctions financières à la clé.
Les énergies renouvelables comportent des défis techniques, sociaux et environnementaux. Toutefois, des solutions, innovations, recyclage et stockage (Source en Europe : https://www.renewableenergyworld.com/energy-storage/pumped-storage/eu-report-details-importance-of-hydropower-and-pumped-storage/ et en France : https://www.andritz.com/hydro-en/hydronews/hn-europe/france ) sont en cours de développement et peuvent atténuer ces impacts. (Source : https://www.mdpi.com/1996-1073/16/11/4516)
Ignorer ce potentiel, c’est risquer de perpétuer la dépendance aux énergies fossiles, dont la croissance en Asie pose un autre défi bien plus immédiat. Pour une transition énergétique efficace, il est impératif de faire évoluer les politiques publiques, renforcer le recyclage et développer le stockage à grande échelle.
Une question se pose : est-ce vraiment le moment de sabrer dans les investissements verts quand les sécheresses se multiplient ? Le calcul économique pourrait vite devenir un casse-tête environnemental.
Verdict : Un chiffre réaliste, mais un pari risqué sur le plan européen et écologique.
4. Suppression du soutien public à la « politique de la ville » : 7,971 milliards d’euros
Premier problème : où Sarah Knafo trouve-t-elle ces 8 milliards ? Le budget officiel de la politique de la ville dépasse à peine les 600 millions. Même en élargissant à tous les dispositifs connexes, on reste loin du compte.
Deuxième écueil : l’impact social. Les quartiers prioritaires vivent déjà une situation explosive. Retirer les derniers filets de protection reviendrait à jouer avec le feu.
Verdict : Une estimation fantaisiste qui ne résiste pas à l’examen des chiffres officiels. (Source : https://www.ifrap.org/emploi-et-politiques-sociales/politique-de-la-ville-117-milliards-de-depenses-depuis-2010)
5. Suppression des agences d’État (ARS, ADEME, ANAH, CESE, Arcom) : 7,920 milliards d’euros
Derrière ce chiffre rond se cache une réalité bien plus complexe. Prenons les ARS : leur budget de fonctionnement est modeste (300 millions) (Source : https://www.lesechos.fr/economie-france/social/les-agences-regionales-de-sante-en-quatre-questions-1204153), mais elles pilotent des dizaines de milliards de dépenses de santé. Les supprimer ? Bonne chance pour gérer la prochaine pandémie…
Quant à l’ADEME ou l’ANAH, leur disparition créerait un vide béant dans des secteurs clés comme la rénovation énergétique. Le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ?
Verdict : Une mesure qui ressemble davantage à un coup de communication qu’à une réforme structurelle.
6. Privatisation de l’audiovisuel public : 4,029 milliards d’euros
Enfin une proposition chiffrée avec précision ! Le budget de France Télévisions et consorts correspond exactement aux 4 milliards annoncés (Source : https://www.senat.fr/rap/a24-149-41/a24-149-41_mono.html). Reste la question philosophique : un service public de l’audiovisuel a-t-il encore sa place en 2026 ?
Les modèles étrangers montrent que la privatisation totale peut conduire à une baisse de qualité des programmes. Mais pour les partisans d’une télévision 100% commerciale, l’argument ne pèse pas lourd face aux économies promises.
Verdict : La mesure la plus réaliste du plan, mais pas nécessairement la plus populaire.
7. Suppression de l’aide médicale d’État (AME) : 1,320 milliard d’euros
Le chiffre est là : 1,4 milliard dépensé en 2024 pour soigner les étrangers en situation irrégulière (Source : https://www.senat.fr/rap/r24-841/r24-841_mono.html). Une goutte d’eau dans le budget de la Sécu, mais un symbole fort pour les partisans de la préférence nationale.
Seulement voilà : les médecins alertent depuis des années sur les conséquences sanitaires. Sans AME, c’est tout le système de santé publique qui pourrait être impacté par des maladies non soignées.
Verdict : Une économie réelle mais risquée, qui pose plus de problèmes qu’elle n’en résout. On pourrait envisager de restreindre certaines prestations incluses dans l’AME, tout en maintenant l’essentiel pour préserver la protection contre les épidémies.
8. Suppression des subventions aux associations « politisées » : 1 à 2 milliards d’euros
Qui définit ce qu’est une association « politisée » ? La mesure sent bon l’arbitraire politique. Sans critères clairs, elle ouvrirait la porte à tous les règlements de comptes idéologiques.
Et puis avouons-le : à part quelques cas médiatisés, la plupart des subventions associatives servent à faire vivre des structures locales essentielles. Vraiment le bon plan pour faire des économies ?
Verdict : Une proposition floue qui ressemble davantage à un slogan électoral.
Bilan global : des économies largement surestimées
Mesure | Économies annoncées | Économies réalistes | Faisabilité |
---|---|---|---|
Prestations sociales réservées | 15-20 milliards | 0 milliard | Nulle (obstacles juridiques) |
Aide au développement | 14,8 milliards | 8-10 milliards | Partielle |
Énergies renouvelables | 7,9 milliards | 3-5 milliards | Risquée (sanctions UE) |
Politique de la ville | 7,9 milliards | 1-2 milliards | Surévaluée |
Agences d’État | 7,9 milliards | 2-3 milliards | Complexe |
Audiovisuel public | 4 milliards | 4 milliards | Réalisable |
AME | 1,3 milliard | 1,4 milliard | Contestable |
Associations « politisées » | 1-2 milliards | ? | Floue |
Au final, sur les 63 milliards promis, seuls 15 à 20 milliards semblent atteignables – et encore, au prix de sacrifices politiques et sociaux considérables. Le reste tient davantage de l’affichage politique que de la rigueur budgétaire.
La stratégie politique derrière les chiffres
Ne nous y trompons pas : ce plan n’est pas qu’une simple liste de mesures techniques. C’est un coup politique bien calculé. En surfant sur les frustrations populaires tout en proposant des chiffres précis, Sarah Knafo cherche à positionner Reconquête comme la seule « vraie » alternative au gouvernement.
Reste à savoir si les Français seront sensibles à cette approche. Car entre les beaux discours et la réalité des comptes publics, il y a parfois un monde…
Un exercice politique plus qu’économique
Le plan Knafo a le mérite de poser les bonnes questions sur les priorités budgétaires de la France. Mais force est de constater que les réponses apportées peinent à convaincre sur le plan technique. Entre mesures irréalistes et estimations gonflées, l’écart avec le réel est trop important pour être crédible.
Une chose est sûre : le débat sur les finances publiques françaises vient de trouver un nouveau protagoniste. À voir maintenant comment cette proposition influencera les négociations parlementaires à venir.

Yann, 35 ans, passionné par les enjeux de société et de politique, porte un regard libre et attentif sur le monde qui l’entoure. Installé à Strasbourg, ville qu’il affectionne tout particulièrement, il décrypte l’actualité avec curiosité, rigueur et une volonté constante de comprendre et faire comprendre les dynamiques à l’œuvre dans notre époque