Airbnb : quand les locations se transforment en squats, un fléau en expansion

Ces dernières années, un nouveau phénomène préoccupant gagne du terrain dans le secteur de la location saisonnière. Des individus détournent les plateformes comme Airbnb pour s’installer illégalement dans des logements, exploitant une faille juridique qui laisse les propriétaires dans une situation particulièrement délicate. Cette pratique, désormais qualifiée de « squat déguisé », représente un véritable casse-tête pour les forces de l’ordre et transforme le rêve d’un complément de revenus en cauchemar pour de nombreux propriétaires.

Un modus operandi bien rodé qui exploite les failles du système

Le processus utilisé par ces nouveaux squatteurs révèle une connaissance précise des subtilités juridiques françaises. Contrairement aux squatteurs traditionnels qui s’introduisent par effraction, ces individus procèdent de manière parfaitement légale lors de leur entrée dans les lieux. Ils réservent un logement via Airbnb pour une durée variable, paient leur réservation et récupèrent les clés comme n’importe quel vacancier.

Une fois installés, leur comportement change radicalement. Selon les témoignages rapportés par Sud Radio, ils changent les serrures, installent leurs effets personnels de manière durable et vont même jusqu’à faire transférer le compteur électrique à leur nom. Lorsque la période de location arrive à échéance, ils refusent catégoriquement de quitter les lieux, invoquant souvent des « circonstances personnelles » pour justifier leur maintien dans le logement.

La faille juridique qui paralyse les propriétaires

Le cœur du problème réside dans une subtilité juridique fondamentale. Puisque l’entrée dans le logement s’est effectuée avec l’accord explicite du propriétaire, ces occupants ne peuvent pas être juridiquement qualifiés de squatteurs au sens traditionnel du terme. Cette distinction a des conséquences majeures : la loi anti-squat votée le 27 juillet 2023, qui permet normalement une expulsion accélérée sous 48 heures, ne peut pas s’appliquer à ces situations.

Jonathan Bellaiche, avocat spécialisé dans ce type d’affaires, souligne cette problématique : « Un squatteur entre par effraction et commet une infraction pénale. Là, vous avez affaire à une personne qui dispose d’une location meublée de tourisme et qui va se maintenir dans les lieux. Elle va vouloir bénéficier de toutes les protections locales d’un locataire »(Source : Sud Radio.)

Cette situation contraint les propriétaires à engager une procédure judiciaire classique, similaire à celle applicable aux locataires mauvais payeurs. Une démarche longue, coûteuse et incertaine qui peut s’étendre sur plusieurs mois, voire davantage si l’affaire tombe pendant la trêve hivernale.

Des chiffres qui témoignent d’une ampleur croissante

Bien que les statistiques précises sur les squats Airbnb demeurent fragmentaires, plusieurs indicateurs révèlent l’ampleur croissante du phénomène. Selon l’Observatoire du squat, quatre régions concentrent 80% des cas de squats en France : l’Île-de-France (40% des cas), les Hauts-de-France (17%), la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (16%) et l’Occitanie (13%) PriceLabs.

L’impact de la loi anti-squat de juillet 2023 illustre par ailleurs l’intensification générale des problématiques liées aux occupations illégales. Selon les données du ministère du Logement, les sollicitations des forces de l’ordre ont quadruplé dans les 27 préfectures interrogées, passant de 12 interventions mensuelles en moyenne avant la loi à 48 interventions entre septembre 2023 et mai 2024. Le nombre d’arrêtés d’expulsion a plus que triplé, passant de 101 en 2022 à 356 sur les neuf premiers mois suivant l’application de la loi La Dépêche.

Les conséquences dramatiques pour les propriétaires

Les répercussions financières et psychologiques pour les propriétaires victimes de ces pratiques s’avèrent considérables. Pendant toute la durée de la procédure judiciaire, le logement reste immobilisé, privant le propriétaire de revenus locatifs. Dans les zones touristiques où la saison peut représenter l’essentiel des revenus annuels, cette situation peut compromettre l’équilibre financier du propriétaire Var Matin.

Les frais juridiques s’accumulent également rapidement. Entre les honoraires d’avocat, les frais d’huissier et les éventuels dommages-intérêts, la facture peut atteindre plusieurs milliers d’euros sans garantie de récupération, les squatteurs étant généralement insolvables.

Certains propriétaires découvrent par ailleurs que leur assurance habitation ne couvre pas ce type de situation, considérée comme un litige commercial plutôt qu’un simple squat.

Les stratégies de prévention face à ce nouveau fléau

Face à cette menace grandissante, les professionnels du secteur recommandent plusieurs mesures préventives. La vérification d’identité systématique constitue la première ligne de défense. Les plateformes comme Airbnb proposent des outils de vérification qu’il convient d’activer systématiquement. Les propriétaires doivent également être vigilants face aux profils sans historique de réservations ou aux demandes de séjours anormalement longs, particulièrement celles approchant les 90 jours PriceLabs.

L’installation de serrures connectées représente un investissement judicieux, permettant de modifier les codes d’accès à distance et de suivre les entrées et sorties du logement. Cette technologie offre également la possibilité de bloquer l’accès immédiatement en cas de dépassement de la durée de location autorisée.

La rédaction d’un contrat de location en bonne et due forme, même pour les séjours courts, peut faciliter les procédures judiciaires ultérieures. Ce document formalise les obligations de chaque partie et peut accélérer l’obtention d’une décision en référé.

Les limites de l’arsenal juridique actuel

Malgré les avancées introduites par la loi anti-squat de juillet 2023, le arsenal juridique français montre ses limites face à ce nouveau type d’occupation illégale. Jonathan Bellaiche résume cette problématique : « C’est plus qu’un trou dans la raquette : la loi ne répond pas du tout à cette problématique. Il va falloir modifier les choses pour considérer comme des squatteurs les personnes qui font cela » Sud Radio.

Les experts juridiques plaident pour une adaptation de la législation qui tiendrait compte de la spécificité des locations saisonnières. Une piste évoquée consisterait à créer un statut particulier pour les occupants qui dépassent la durée de leur réservation dans un logement de tourisme, permettant une procédure d’expulsion accélérée similaire à celle applicable aux squatteurs traditionnels.

Vers une nécessaire évolution du cadre réglementaire

Cette problématique soulève des questions plus larges sur l’évolution nécessaire du droit immobilier à l’ère de l’économie collaborative. Les plateformes de location saisonnière ont bouleversé les rapports traditionnels entre propriétaires et occupants, créant des zones grises juridiques que certains exploitent à leur avantage.

Les professionnels du secteur appellent à une clarification urgente du statut juridique des occupants de locations saisonnières qui dépassent leur période de réservation. Cette évolution pourrait passer par une modification du Code de la construction et de l’habitation pour créer un régime spécifique aux locations de courte durée.

En attendant cette évolution législative, les propriétaires doivent redoubler de vigilance et mettre en place des dispositifs de protection renforcés. Car comme le souligne un expert interrogé par Var Matin, « louer son logement via une plateforme devient dangereux » sans précautions appropriées Var Matin.

Le développement de ces nouvelles formes de squats illustre la nécessité d’adapter constamment le cadre juridique aux évolutions sociétales et technologiques. Seule une réponse législative appropriée permettra de préserver l’équilibre entre les droits des propriétaires et ceux des locataires, tout en empêchant les dérives qui menacent aujourd’hui l’écosystème de la location saisonnière.