Alcool, drogue… Ces dérives qui secouent les coulisses de l’Assemblée nationale

L’Assemblée nationale traverse une crise discrète mais bien réelle. Derrière les ors de la République, certains élus luttent contre des addictions qui interrogent sur les conditions d’exercice du mandat parlementaire. Un sujet tabou qui refait surface à travers plusieurs affaires récentes.

Une série d’affaires qui ébranlent l’institution

Les murs du Palais Bourbon auraient-ils des oreilles ? Ils pourraient raconter des histoires qui dérangent. Comme celle d’Andy Kerbrat, ce député insoumis interpellé en octobre 2024 pour acquisition de 3MMC, une drogue de synthèse. L’élu a reconnu les faits avant de disparaître neuf mois pour suivre un protocole de soins.

Et que dire d’Emmanuel Pellerin ? Le député Renaissance a fait les gros titres en 2023 en avouant avoir consommé de la cocaïne pendant son mandat. Une révélation qui lui a valu son exclusion du parti présidentiel. « J’ai repris de la drogue le week-end où on a fêté mon investiture », avait-il expliqué, comme si cela rendait la chose plus acceptable.

Au Sénat, l’affaire Guerriau a marqué les esprits. L’image du sénateur accusé d’avoir drogué une collègue députée avec de la MDMA pure à 91,1% dans du champagne reste gravée dans les mémoires. Le procès à venir promet d’être houleux.

Sans oublier Nicolas Sansu, ce député communiste condamné pour conduite en état d’ivresse et outrages envers des policiers. La liste est longue, trop longue.

La buvette de l’Assemblée : temple des excès

Depuis 1904, la buvette de l’Assemblée sert bien plus que des cafés. Durant les débats sur les retraites en 2023, une pancarte annonçait même la « rupture de stock de Get 27 ». Cette liqueur à 27° semble être le carburant préféré de certains élus.

« Alcool à gogo jusqu’à 3 heures du matin », témoigne une députée macroniste sous couvert d’anonymat. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : pic de consommation entre 20h et 21h30. Certains commencent dès 11h du matin, d’autres finissent vomissant dans les poubelles. Un tableau peu glorieux.

Des témoignages qui en disent long

« Bien sûr qu’il y a des addictions à l’Assemblée », lâche Dieynaba Diop, députée socialiste. La pression constante, la solitude, les nuits blanches… Autant de facteurs qui poussent à la consommation.

Vincent Thiébaut, député Horizons, avoue fumer quatre fois plus quand il est au Palais Bourbon. « Et ma consommation de caféine explose », ajoute-t-il. Un autre élu, anonyme celui-là, confie : « Si vous êtes fragile, vous pouvez vriller. Et l’alcool devient vite une béquille. »

Un terreau fertile pour les addictions

Le Dr Amine Benyamina, spécialiste en addictologie, n’est pas surpris. « Tout métier stressant avec des horaires décalés est un terrain favorable », explique-t-il. Et le mandat parlementaire coche toutes les cases : nuits blanches, pression constante, vie entre Paris et la circonscription…

Bernard Jomier, sénateur et médecin, résume : « Pour tenir, certains passent du café à minuit aux stupéfiants. C’est une évidence. » Une évidence qui reste pourtant souvent tue.

Vers une prise de conscience ?

Certains tentent d’agir. Cyrielle Chatelain, présidente du groupe écologiste, propose d’interdire l’alcool le soir à la buvette. Une mesure qui divise entre partisans de la santé publique et défenseurs des traditions.

Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée, préfère laisser les groupes gérer leurs membres. Une position prudente qui ne résoud pas le problème.

Pourtant, l’histoire montre que le problème n’est pas nouveau. Sous la IIIe République, une cellule de dégrisement existait déjà au Palais Bourbon. Transformée en bureaux depuis, son souvenir rappelle que les excès font partie de l’histoire parlementaire.

La différence aujourd’hui ? Le tabou commence à se fissurer. Le Projet Arcadie documente ces réalités, les élus parlent plus ouvertement. Reste à transformer cette prise de conscience en actions concrètes. Car derrière les scandales, il y a des hommes et des femmes en souffrance. Et une institution qui doit montrer l’exemple.