Budget de l’Élysée 2024 : retour à l’équilibre après des années déficitaires

La gestion budgétaire de l’Élysée fait régulièrement débat, particulièrement en période de rigueur nationale. Pour l’exercice 2024, la Cour des comptes apporte des éléments de réponse qui nuancent les critiques habituellement adressées à la présidence française.

Après un déficit préoccupant de 8,3 millions d’euros en 2023, l’exercice 2024 marque un tournant décisif avec un excédent budgétaire de 6,7 M€. Ce redressement spectaculaire résulte d’une double dynamique : une augmentation des recettes de 10,9 % qui atteignent 130 M€, couplée à une diminution des charges de 2,2 % pour s’établir à 123,3 M€.

Cette amélioration ne doit cependant pas masquer les défis structurels que doit relever l’institution présidentielle. L’augmentation de la dotation budgétaire de l’Élysée à 122,6 M€ en 2024, soit une hausse significative de 11 % par rapport à 2023, constitue le principal facteur explicatif de ce redressement comptable.

Source : https://www.budget.gouv.fr/files/uploads/extract/2024/PLF/BG/PGM/501/FR_2024_PLF_BG_PGM_501_JPE.html

Des efforts de modernisation reconnus par la Cour des comptes

La présidence d’Emmanuel Macron fait l’objet d’un contrôle particulièrement rigoureux de la part de la Cour des comptes, qui salue néanmoins les efforts entrepris. Les magistrats financiers reconnaissent que « les progrès réalisés en matière d’organisation et de gestion se confirment », notamment avec l’adoption d’un schéma directeur immobilier axé sur le développement durable.

Cette discipline budgétaire se traduit concrètement par plusieurs mesures d’économies. La présidence a mis en place un effort supplémentaire de réduction de 5 % sur les budgets d’investissement et de fonctionnement courant, hors événements liés directement à l’activité présidentielle.

Parallèlement, une optimisation des recettes propres a été engagée, avec notamment la refacturation systématique vers les ministères de certaines activités organisées au Palais et pour les accompagnants lors des déplacements officiels.

Les dépenses de déplacements et de réceptions, souvent pointées du doigt, ont fait l’objet d’un encadrement renforcé. L’institution a instauré des règles strictes concernant le format des délégations, impose des refacturations à certains participants aux voyages officiels et optimise la mobilisation des moyens aériens.

Ces mesures ont permis de contenir le budget déplacements à 20 M€ en 2024, soit une baisse remarquable de 13 % par rapport à l’exercice précédent.

Les dépenses de Brigitte Macron : un impact budgétaire limité

L’activité de la Première dame constitue un sujet récurrent de débat public, bien que son impact budgétaire demeure relativement modeste.

En 2023, les dépenses liées strictement à l’activité de Brigitte Macron se sont élevées à 309 484 euros, soit 0,25 % du budget total de la présidence, contre 0,28 % l’année précédente. (Source : https://www.leparisien.fr/politique/collaborateurs-evenements-voyages-officiels-ce-qua-coute-le-cabinet-de-brigitte-macron-en-2023-29-07-2024-XRODGW4CTNBMHDT6F3Q6FWZLRY.php)

Cette somme couvre le fonctionnement d’un cabinet restreint composé de deux collaborateurs et deux assistantes. Ces derniers assurent la gestion de l’agenda, les relations presse, la préparation des rendez-vous et déplacements, ainsi que la participation à l’organisation des événements à l’Élysée.

En 2023, Brigitte Macron a accompagné le président lors de onze voyages officiels en France et cinq à l’étranger, tout en effectuant seize déplacements personnels pour ses propres missions.

Ce chiffrage n’inclut cependant pas l’ensemble des coûts associés à ses activités. Les frais de déplacements, de réception et de collaborateurs partagés avec le président ne sont pas comptabilisés, pas plus que les coûts de sa coiffeuse maquilleuse, de son équipe de sécurité, ou des quatre agents chargés de traiter son courrier, près de 12 540 lettres reçues en 2023.

Des comparaisons présidentielles éclairantes

L’analyse comparative révèle des pratiques de gestion contrastées selon les mandats. Contrairement aux idées reçues, François Hollande présente le meilleur bilan en matière de maîtrise des dépenses présidentielles, malgré des campagnes promettant des baisses sous Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron.

Les dépenses publiques ont progressé de 4,5 points de PIB sous Nicolas Sarkozy et de 4,8 points sous Emmanuel Macron, contre une stabilité relative sous François Hollande. Cette différence s’explique en partie par les crises majeures que les deux premiers ont dû gérer : les subprimes pour Sarkozy, la pandémie de Covid-19 pour Macron.

En 2023, les dépenses totales de l’Élysée ont atteint leur plus haut niveau historique avec 125 M€, dépassant même le précédent record de 112,6 M€ établi en 2009 sous Nicolas Sarkozy. Cette hausse résulte principalement de la reprise intense de l’activité présidentielle post-Covid et de l’impact inflationniste sur l’ensemble des postes de dépenses.

Des marges d’amélioration identifiées

Malgré les améliorations constatées, la Cour des comptes identifie plusieurs axes de progrès. La gestion du personnel de sécurité de la présidence nécessite une attention particulière, tout comme certains avantages accordés aux agents en matière de logement.

La cartographie des risques métiers, dont la démarche n’a pas pu être prolongée comme prévu en 2024, constitue également un chantier prioritaire pour renforcer le contrôle interne.

L’année 2024 marque néanmoins une inflexion positive avec la mise en œuvre effective d’un plan de performance devenu « un véritable outil de pilotage ». Ce dispositif décline un plan d’action en matière de responsabilité sociétale des entreprises et permet un suivi plus fin des objectifs de modernisation et d’efficience.

La remise en cause de pratiques jugées trop généreuses en matière de gratuité de la restauration collective s’inscrit dans cette logique d’optimisation des dépenses de fonctionnement. Ces ajustements, bien que symboliques, traduisent une volonté de rationalisation qui s’étend à l’ensemble des postes budgétaires.

Un engagement environnemental générateur d’économies

Au-delà des considérations budgétaires strictes, la présidence française développe une politique environnementale ambitieuse qui génère des économies substantielles. Depuis 2019, l’Élysée s’est doté d’un comité interne de la transition écologique, d’un plan de sobriété et a créé un « budget vert » interne.

Les résultats de cette politique sont tangibles : les émissions totales ont reculé de 10 % entre 2023 et 2024 grâce à la baisse du transport aérien et routier, la suppression des chaudières au fioul et le raccordement à la Compagnie parisienne de chauffage urbain.

L'empreinte numérique a chuté de 31 % entre 2019 et 2024, tandis que 39,1 % du parc automobile est désormais constitué de véhicules à faibles ou très faibles émissions.

Cette démarche environnementale génère des économies directes, notamment avec les travaux de géothermie dont les gains ont été intégrés dans les projections budgétaires 2024.

La présidence compense également plus de 8 000 tonnes de CO₂ annuellement via des projets labellisés, démontrant que performance environnementale et rigueur budgétaire peuvent être conciliées.

Des perspectives budgétaires dans un contexte de rigueur

La présidence française navigue désormais dans un environnement budgétaire contraint. Après avoir initialement prévu d’augmenter son budget à 125,7 M€ pour 2025, l’Élysée a renoncé à cette hausse face aux critiques et au contexte de rigueur budgétaire nationale. Cette décision, prise conjointement avec l’Assemblée nationale et le Sénat, témoigne d’une volonté d’exemplarité de la part des institutions.

Le budget présidentiel demeure néanmoins confronté à des défis structurels. L’inflation mondiale continue d’impacter les coûts de fonctionnement, particulièrement pour les déplacements internationaux et les réceptions officielles. L’intensification des relations diplomatiques dans un contexte géopolitique tendu maintient une pression à la hausse sur les dépenses opérationnelles.

L’équilibre trouvé en 2024 résulte largement de l’augmentation de 11 % de la dotation budgétaire, une solution qui ne pourra être reproduite indéfiniment. La présidence devra donc poursuivre ses efforts de modernisation et d’optimisation pour maintenir cette performance budgétaire tout en préservant sa capacité d’action.

Le bilan de la gestion budgétaire présidentielle en 2024 révèle une institution en transition, capable de redresser sa situation financière tout en modernisant son fonctionnement.

Si l’excédent de 6,7 M€ marque un progrès indéniable, il résulte autant d’une augmentation des ressources que d’une véritable maîtrise des dépenses. La présidence française peut ainsi prétendre au statut de « bon élève budgétaire » pour 2024, à condition de confirmer cette performance dans les exercices futurs sans recourir à des augmentations de dotation exceptionnelles.