Le paysage commercial français vient de perdre l’un de ses acteurs historiques. Après des mois d’incertitude, le sort de Casa France est désormais scellé : une page se tourne pour cette enseigne emblématique qui faisait partie du quotidien de millions de Français depuis près de cinquante ans.
145 magasins et 600 emplois perdus
Le tribunal de commerce de Bobigny a rendu son verdict le 27 juin 2025 : liquidation judiciaire sans maintien d’activité. Trois mots qui signent l’arrêt de mort d’une entreprise employant 600 salariés en CDI, sans compter une centaine de CDD. La nouvelle a été accueillie avec stupeur par le personnel, certains magasins affichant encore des promotions estivales quand le couperet est tombé.
Contrairement aux chiffres parfois avancés, ce sont bien 145 points de vente qui vont disparaître du territoire. Des enseignes reconnaissables entre mille, avec leurs vitrines colorées et leurs rayons bien fournis en déco et mobilier abordable. Comment en est-on arrivé là ?
Neuf offres de reprise, neuf échecs
L’audience du 11 juin avait suscité un fragile espoir. Neuf repreneurs potentiels s’étaient manifestés. Mais au final, aucune proposition viable n’a émergé. Quatre dossiers écartés par les administrateurs, deux déclarés irrecevables, un rejeté et deux candidats qui ont finalement jeté l’éponge. Les rares offres sérieuses ne concernaient que six magasins maximum, avec des conditions jugées trop légères sur le plan social et financier.
Le scénario ressemble étrangement à celui vécu par d’autres enseignes avant leur disparition. Une lente agonie, des tentatives de sauvetage avortées, et au final, des portes qui se ferment définitivement.
L’effet domino belge
Pour comprendre la chute de Casa France, il faut regarder du côté de la Belgique. Le 5 mars 2025, Casa International et Casa Logistics, la maison-mère du groupe, déposaient le bilan. Un séisme pour l’ensemble de l’organisation, ces entités assurant des fonctions vitales : approvisionnement asiatique, logistique européenne, gestion informatique et financière.
En Belgique, 63 magasins ont déjà fermé leurs portes, laissant 544 employés sur le carreau. La tentative de réorganisation judiciaire lancée en octobre 2024 n’aura servi à rien. Même les traditionnelles bonnes ventes de fin d’année n’ont pas suffi à renflouer des caisses désespérément vides.
Un secteur qui coule à pic
La faillite belge n’explique pas tout. Le marché français de l’ameublement et de la décoration traverse une crise sans précédent. Deux années consécutives de baisse : -2,5% en 2023, puis -5,1% en 2024. Des chiffres qui donnent le tournis.
Les causes ? Une conjonction de facteurs qui frappent de plein fouet les enseignes physiques. L’immobilier en berne réduit les projets d’aménagement. L’inflation pousse les ménages à reporter les achats non essentiels. Et la concurrence s’intensifie, avec les géants comme IKEA, les discounters type Action, ou les plateformes chinoises comme Temu qui grignotent des parts de marché.
Sans oublier l’habitude prise pendant le Covid : commander depuis son canapé. Le e-commerce, devenu un réflexe pour beaucoup, a porté un coup fatal aux magasins traditionnels.
Noz à la rescousse des stocks
Dans cette sombre histoire, il y a tout de même un gagnant : l’enseigne de déstockage Noz. Elle vient de réaliser la plus grosse opération de son histoire en rachetant 4,5 millions d’articles issus des entrepôts belges d’Olen. Ces produits seront proposés avec des réductions allant jusqu’à 60% dans les 342 magasins français de l’enseigne.
Une aubaine pour les chasseurs de bonnes affaires, mais un crève-cœur pour les anciens salariés de Casa qui verront leur ancien stock soldé à bas prix. Le marché du déstockage profite allègrement des liquidations, répondant à une demande croissante de consommateurs en quête de prix cassés.
Des centres-villes qui se vident
La disparition de Casa France laisse des trous béants dans les centres commerciaux et les artères commerçantes. Rien qu’en Île-de-France, huit adresses ferment, dont quatre à Paris. Les quartiers perdent ainsi des commerces de proximité qui proposaient une décoration accessible.
Casa rejoint la longue liste des enseignes disparues : C&A, GIFI, Office Dépot… Autant de noms qui rythmaient le paysage commercial français et qui ne sont plus aujourd’hui que des souvenirs. Créée en 1975, l’enseigne avait réussi à s’imposer comme une référence pour les arts de la table et la déco d’intérieur à petits prix.
Sa liquidation pose une question plus large : dans un monde où le commerce se digitalise et où les consommateurs privilégient le prix à la qualité de service, quelle place reste-t-il pour les enseignes physiques traditionnelles ? La réponse, personne ne l’a encore trouvée.

Yann, 35 ans, passionné par les enjeux de société et de politique, porte un regard libre et attentif sur le monde qui l’entoure. Installé à Strasbourg, ville qu’il affectionne tout particulièrement, il décrypte l’actualité avec curiosité, rigueur et une volonté constante de comprendre et faire comprendre les dynamiques à l’œuvre dans notre époque