Le dossier revient sur le devant de la scène politique avec une insistance qui ne doit rien au hasard. Alors que le calendrier d’interdiction des passoires thermiques commence à montrer ses premiers effets concrets, la question technique du coefficient d’énergie primaire devient soudainement brûlante. Pourquoi maintenant ? Parce que les conséquences sur le terrain sont bien plus tangibles qu’on ne l’imaginait.
Un débat qui refait surface dans l’urgence
La pression monte depuis que les logements classés G ont été interdits à la location au 1er janvier 2025. Un coup de semonce qui fait réaliser à beaucoup que le dispositif actuel pourrait avoir des effets pervers. Le coefficient de 2,3 appliqué à l’électricité apparaît de plus en plus comme une anomalie dans le paysage énergétique français.
Imaginez : notre mix électrique est l’un des plus décarbonés d’Europe grâce au nucléaire, pourtant le calcul du DPE défavorise systématiquement les logements chauffés à l’électricité. Une aberration qui commence sérieusement à agacer les parlementaires. Plusieurs sénateurs viennent d’interpeller Matignon pour demander une révision rapide du coefficient. Ils ne sont pas les seuls à trouver que la situation traîne trop longtemps.
Le coefficient d’énergie primaire : un enjeu technique et politique majeur
La situation actuelle
Petit rappel pour ceux qui ne baignent pas quotidiennement dans les arcanes du DPE : le coefficient d’énergie primaire de l’électricité est fixé à 2,3 depuis janvier 2022. Concrètement, cela signifie qu’on considère qu’il faut 2,3 kWh d’énergie primaire pour produire 1 kWh d’électricité livré au consommateur. À côté de ça, le gaz bénéficie d’un coefficient de 1. La différence est colossale.
Le résultat ? Un appartement chauffé à l’électricité se retrouve souvent classé moins bien qu’un équivalent au gaz, alors même que l’électricité française émet très peu de CO2. C’est un peu comme pénaliser un vélo électrique au motif qu’il consomme de l’électricité, tout en favorisant les scooters thermiques. Pas vraiment logique quand on y pense.
Les recommandations européennes
L’Union européenne, dans sa grande sagesse, recommande pourtant un coefficient de 1,9 pour l’électricité. Elle va même plus loin en suggérant d’adapter ce chiffre selon le mix énergétique de chaque pays. La France, avec son électricité à 92% décarbonée, pourrait donc légitimement prétendre à un coefficient encore plus favorable.
Mais entre les recommandations européennes et leur application concrète, il y a souvent un fossé. Un fossé que certains acteurs aimeraient voir combler rapidement, avant que le dispositif ne crée trop de dégâts collatéraux.
Les conséquences du coefficient actuel
Impact sur le marché immobilier
Les chiffres donnent le tournis. Selon l’association Équilibre des énergies, environ un million de logements chauffés à l’électricité seraient classés à tort comme passoires thermiques. Un million ! Cela représente des milliers de propriétaires qui se retrouvent piégés par un calcul qui ne reflète pas la réalité énergétique de leur bien.
Et ce n’est que le début. Avec l’interdiction des logements F prévue pour 2028, puis des E en 2034, l’hémorragie pourrait s’amplifier. Certains professionnels du secteur commencent à s’inquiéter sérieusement des conséquences sur le marché locatif. Comment expliquer à un propriétaire que son appartement bien isolé devient soudainement une passoire à cause d’un coefficient discutable ?
Effets contre-productifs sur la transition énergétique
Le comble dans cette histoire ? Le système actuel pourrait inciter certains propriétaires à… remplacer leur chauffage électrique par une chaudière au gaz ! Absurde ? Pas tant que ça quand on comprend que cela permettrait d’améliorer artificiellement le classement DPE, malgré une augmentation des émissions de CO2.
Une véritable usine à gaz, si l’on ose dire. Alors que tout l’enjeu de la transition énergétique est justement de sortir des énergies fossiles, voilà que le DPE crée des effets pervers exactement contraires aux objectifs affichés. De quoi laisser perplexe plus d’un observateur.
Les positions en présence
Les arguments pour une révision
Les partisans d’un changement ne manquent pas d’arguments. Leur credo ? Le coefficient actuel est devenu obsolète. Il date d’une époque où la production électrique française était plus carbonée. Aujourd’hui, avec l’essor des énergies renouvelables et la performance du parc nucléaire, le calcul devrait être ajusté.
Ils pointent aussi l’injustice criante qui pénalise les logements électriques. Sans oublier l’aspect technique : les pompes à chaleur, pourtant très performantes, sont désavantagées dans le calcul actuel. Un non-sens quand on sait qu’elles représentent une solution clé pour décarboner le chauffage.
Les réserves exprimées
Bien sûr, tout le monde ne partage pas cet enthousiasme. L’association négaWatt met en garde contre un possible effet d’aubaine. Leur crainte ? Que certains en profitent pour installer des radiateurs électriques peu performants sous prétexte que l’électricité serait « blanchie » par le nouveau coefficient.
Coénove, de son côté, alerte sur les risques d’une révision précipitée. Leur argument : modifier un paramètre aussi sensible sans réflexion approfondie pourrait créer plus de problèmes que de solutions. Un avertissement à prendre au sérieux, même s’il ne doit pas servir de prétexte à l’immobilisme.
Les enjeux de la réforme envisagée
L’objectif affiché du gouvernement
Dans les couloirs du ministère, on se veut rassurant. L’objectif n’est pas de faire sortir massivement des logements du statut de passoire thermique, mais simplement de corriger une distorsion qui pénalise injustement l’électricité décarbonée. Une nuance importante, qui montre que le sujet est pris au sérieux.
La ligne est claire : il s’agit avant tout d’améliorer la fiabilité du DPE, pas de manipuler les statistiques. Reste à voir comment cette intention se traduira concrètement dans les prochaines semaines. Car le temps presse, les propriétaires concernés attendent des réponses.
Perspectives et calendrier
À l’Assemblée nationale, les questions fusent. Un député du RN a récemment interpellé le gouvernement : « Quand allez-vous enfin aligner notre coefficient sur celui de l’Europe ? » Une question qui résume bien l’impatience grandissante.
Le calendrier reste flou, mais la pression monte. D’autant que les prochaines étapes du dispositif anti-passoires approchent à grands pas. Une chose est sûre : ce débat technique cache en réalité des enjeux politiques et sociaux considérables. Entre transition énergétique et réalité du marché locatif, le gouvernement devra trouver un équilibre délicat.
Au final, cette histoire de coefficient n’est pas qu’une querelle de chiffres. Elle pose une question fondamentale : comment évaluer justement la performance énergétique des logements sans créer d’effets pervers ? Un casse-tête qui, visiblement, est loin d’être résolu.

Yann, 35 ans, passionné par les enjeux de société et de politique, porte un regard libre et attentif sur le monde qui l’entoure. Installé à Strasbourg, ville qu’il affectionne tout particulièrement, il décrypte l’actualité avec curiosité, rigueur et une volonté constante de comprendre et faire comprendre les dynamiques à l’œuvre dans notre époque