Le séisme était attendu, il vient de frapper de plein fouet l’audiovisuel public français. Ce mardi 23 septembre 2025, la Cour des comptes a rendu public un rapport accablant sur France Télévisions qui fait l’effet d’un tremblement de terre dans le paysage médiatique français. Les révélations sur la gestion financière du groupe public sont tout simplement stupéfiantes.
Un naufrage financier sans précédent
Les chiffres donnent le vertige. France Télévisions, pourtant financée à 80% par l’argent public soit 2,6 milliards d’euros par an, accuse un déficit net cumulé de 81 millions d’euros entre 2017 et 2024 Cour des comptes. Pire encore, le budget adopté pour 2025 prévoit un déficit supplémentaire de 40 millions d’euros, confirmant ce que les magistrats financiers qualifient d’« impasse » pour la première entreprise audiovisuelle publique française.
Cette déroute financière s’accompagne d’une érosion dramatique des capitaux propres, passés de 294 à 179 millions d’euros en seulement huit ans. La trésorerie s’effondre et pourrait même devenir négative de 27 millions d’euros dès cette année, selon les prévisions les plus pessimistes.
Une masse salariale totalement incontrôlée
Néanmoins, au cœur du problème se trouve une gestion des ressources humaines complètement déconnectée de toute réalité économique. Avec ses 9 000 salariés, France Télévisions croule sous le poids d’un accord collectif de 2013 que la Cour des comptes juge désormais « inéluctable » de renégocier d’urgence.
Les exemples de dysfonctionnements abondent : des journalistes payés pour une journée complète de 7 heures alors qu’ils n’en travaillent que 4, une rigidité des métiers telle qu’un journaliste formé au montage n’a pas le droit de monter ses propres sujets – cette tâche étant exclusivement réservée aux monteurs. Cette classification figée de près de 160 métiers différents empêche toute polyvalence et plombe la productivité.
Le train de vie pharaonique qui choque
Par ailleurs, les révélations sur le train de vie de l’entreprise publique laissent sans voix. Près de 4 millions d’euros ont été dépensés en frais de taxis rien qu’en 2024 (Source : Europe 1). Une cinquantaine de cadres bénéficient de véhicules de fonction dont l’utilité n’est pas toujours justifiée, selon le rapport.
Le comité social et économique (CSE) de France Télévisions offre des avantages « particulièrement généreux » aux salariés, financés bien évidemment par le contribuable français. Les indemnités de licenciement atteignent des niveaux exceptionnels, et certains collaborateurs perçoivent des rémunérations « étonnantes » au regard de leur charge réelle de travail.
Il convient de préciser que certains chiffres circulant sur les réseaux sociaux, notamment concernant des montants spécifiques d’indemnités ou d’éventuelles propriétés immobilières, n’ont pas pu être confirmés dans les sources officielles du rapport de la Cour des comptes.
L’État actionnaire sous pression
Face à cette situation catastrophique, la Cour des comptes met directement en cause l’État actionnaire. Les magistrats financiers exigent que le gouvernement fixe « une trajectoire financière réaliste » avant le 31 décembre 2026. À défaut, France Télévisions s’expose ni plus ni moins qu’à la dissolution, conformément au code de commerce.
Cette mise en demeure arrive dans un contexte déjà tendu pour l’audiovisuel public, secoué par l’affaire Legrand-Cohen et les accusations de partialité politique (Source : Le Journal du Dimanche). La présidente Delphine Ernotte, qui avait récemment qualifié CNews de « chaîne d’extrême droite », se trouve désormais contrainte d’annoncer des réformes structurelles qu’elle a jusqu’ici refusées.
Les réformes devenues incontournables
Cependant, pour sortir de cette impasse, la Cour des comptes trace une feuille de route sans équivoque. La renégociation complète de l’accord collectif de 2013 devient « inéluctable et urgente ». Il faut moderniser l’organisation du travail, développer la polyvalence des métiers et mettre fin aux rigidités qui paralysent l’entreprise.
Les investissements dans la transformation numérique doivent se poursuivre, mais dans un cadre financier assaini. L’échec cuisant de Salto, qui a coûté 58 millions d’euros aux contribuables, ne doit pas se reproduire.
Des succès qui ne masquent pas les failles
Il faut reconnaître que France Télévisions maintient des audiences « de premier plan » selon la Cour des comptes elle-même, et a su consolider sa position dans le paysage audiovisuel numérique. La plateforme france.tv et la restructuration de l’offre digitale ont été des succès relatifs. Toutefois, ces performances éditoriales ne sauraient justifier une gestion financière aussi défaillante.
L’opinion publique en colère
Ces révélations interviennent dans un contexte de défiance croissante des Français envers leurs médias publics. Alors que chaque foyer français finance en moyenne 83 euros par an ce service public audiovisuel, découvrir de telles dérives financières ne peut que renforcer l’exaspération des contribuables.
La situation devient d’autant plus problématique que la France traverse une période de restrictions budgétaires généralisées, touchant les services publics essentiels comme la santé ou l’éducation.
L’heure des comptes a définitivement sonné
Le rapport de la Cour des comptes marque un tournant décisif pour l’audiovisuel public français. Après des années de déni et de reports, l’heure des réformes structurelles a définitivement sonné. France Télévisions doit choisir : se transformer radicalement ou disparaître.
Cette crise révèle plus largement les dysfonctionnements d’un système où l’argent public semble couler à flots sans véritable contrôle. Les Français sont en droit d’exiger une gestion rigoureuse de leurs impôts, d’autant plus dans un contexte de restriction budgétaire généralisée.
L’avenir dira si cette énième alerte de la Cour des comptes sera enfin entendue, ou si elle rejoindra la longue liste des rapports oubliés dans les tiroirs de Bercy.

Yann, 35 ans, passionné par les enjeux de société et de politique, porte un regard libre et attentif sur le monde qui l’entoure. Installé à Strasbourg, ville qu’il affectionne tout particulièrement, il décrypte l’actualité avec curiosité, rigueur et une volonté constante de comprendre et faire comprendre les dynamiques à l’œuvre dans notre époque