JO Tokyo 2021 : l’or paralympique retiré à Shahana Hajiyevane, exclue pour tricherie

Le monde du sport paralympique vient d’être secoué par une affaire aux ramifications complexes. Shahana Hajiyeva, cette judokate azerbaïdjanaise auréolée d’or à Tokyo en 2021, voit aujourd’hui sa carrière s’écrouler sous le poids d’une décision sans appel. Comment en est-on arrivé là ? Retour sur un dossier qui pose des questions fondamentales sur l’équité dans le sport handisport.

La chute brutale d’une championne paralympique

Le parcours de Shahana Hajiyeva bascule en mai 2025, lors des Championnats du monde de para-judo. Ce qui devait être une nouvelle consécration se transforme en cauchemar. Les tests médicaux de classification visuelle, routine pourtant habituelle, révèlent une vérité dérangeante : la vision de l’athlète est jugée optimale, sans aucune limitation détectable.

Les experts sont formels. Contrairement aux exigences strictes du para-judo réservé aux déficients visuels, Hajiyeva ne présenterait aucun handicap justifiant sa participation. L’ironie est cruelle pour cette sportive qui avait dominé sa catégorie (-48 kg malvoyants) lors des Jeux Paralympiques de Tokyo. La sanction tombe comme un couperet : disqualification à vie.

Le système de classification en mutation

Pour comprendre cette affaire, il faut plonger dans les arcanes du système de classification. Le para-judo paralympique a toujours été réservé aux athlètes présentant une déficience visuelle. Pendant des années, trois catégories coexistaient : B1 pour les non-voyants, B2 et B3 pour différents niveaux de malvoyance.

Mais à l’approche des Jeux de Paris 2024, tout change. La fédération internationale opère un resserrement drastique des critères. Exit le système à trois niveaux, place à une division binaire : J1 pour les non-voyants, J2 pour les malvoyants. Surtout, les exigences médicales deviennent plus strictes, écartant des pathologies autrefois tolérées.

Cette réforme ne passe pas inaperçue. Tous les athlètes doivent repasser les tests de classification dès 2022. Un véritable tremblement de terre pour certains sportifs qui, du jour au lendemain, se retrouvent exclus du circuit. Un contexte qui explique peut-être, sans pour autant le justifier, le drame de Shahana Hajiyeva.

La défense azerbaïdjanaise : un malentendu réglementaire ?

Face à la tempête médiatique, le Comité paralympique d’Azerbaïdjan monte au créneau. Leur argument principal ? Hajiyeva serait victime d’un changement de règles, non d’une fraude délibérée. Selon eux, sa pathologie visuelle, parfaitement admissible sous l’ancien système, ne répondrait plus aux critères actuels.

Une position qui soulève des questions troublantes. Comment une athlète dont la vision est aujourd’hui jugée normale a-t-elle pu concourir pendant des années ? Les instances internationales restent inflexibles. L’IBSA, la fédération internationale des sports pour non-voyants, confirme que la judokate ne remplit plus les conditions nécessaires, quelle que soit l’interprétation des faits.

Cette affaire dépasse le simple cas individuel. Elle met en lumière les zones grises d’un système en pleine mutation, où les lignes bougent parfois plus vite que les carrières des athlètes. Un terrain glissant où les erreurs de bonne foi côtoient parfois les abus manifestes.

Des conséquences qui s’étendent bien au-delà d’un cas isolé

L’onde de choc de cette disqualification se propage à plusieurs niveaux. Pour Hajiyeva d’abord, c’est la fin brutale d’une carrière prometteuse. À seulement 28 ans, la sportive se retrouve bannie à vie des compétitions de para-judo. Une sanction d’une rare sévérité dans le monde du handisport.

Les répercussions sportives sont tout aussi importantes. Sandrine Martinet-Aurières, la Française battue en finale à Tokyo, pourrait bien voir son argent se transformer en or. Mais la procédure de réattribution des médailles s’annonce longue et complexe, tant les implications juridiques sont importantes.

Enfin, l’affaire Hajiyeva ouvre une boîte de Pandore. D’autres athlètes, comme sa compatriote Elnara Nizamli, ont subi le même sort lors des reclassements. Un nettoyage par le vide qui interroge sur l’ampleur réelle du phénomène. Combien de sportifs ont pu, consciemment ou non, profiter des failles de l’ancien système ?

Un tournant pour l’intégrité du sport paralympique

Au-delà du drame personnel, cette affaire marque un moment charnière. Les instances internationales envoient un message clair : l’époque des approximations est révolue. Avec des enjeux médiatiques et financiers croissants, le sport paralympique ne peut plus se permettre le moindre doute sur l’intégrité de ses compétitions.

La rigueur des nouveaux critères médicaux, aussi controversée soit-elle, répond à une exigence fondamentale : garantir une compétition équitable entre athlètes présentant des handicaps comparables. Un principe sacré qui justifie peut-être la sévérité des sanctions.

Reste que cette affaire pose des questions plus larges sur l’accompagnement des sportifs face aux changements réglementaires. Comment éviter que des carrières honnêtes ne soient brisées par des réformes mal expliquées ? Le débat est ouvert, et il dépasse largement le cas de Shahana Hajiyeva.

Une chose est certaine : le para-judo sort transformé de cette tempête. Entre transparence accrue et méfiance grandissante, l’équilibre sera difficile à trouver. Mais peut-être est-ce le prix à payer pour préserver l’âme même du sport paralympique : la compétition pure, d’égal à égal.