L’année 2024 marque un tournant historique pour la démographie française. Pour la première fois depuis 1945, la France métropolitaine a enregistré un solde naturel négatif, avec plus de décès que de naissances. Cette réalité, pourtant lourde de conséquences, passe largement inaperçue dans le débat public.
Un basculement démographique sans précédent depuis l’après-guerre
Les chiffres officiels de l’INSEE, publiés en janvier 2025, révèlent une situation démographique inédite. En 2024, la France dans son ensemble affiche un solde naturel de seulement +17 000 personnes, soit le niveau le plus faible depuis l’après-guerre. Mais la réalité est encore plus préoccupante pour la France métropolitaine, qui bascule dans le rouge avec un solde naturel négatif de -1 000 personnes.
Ce basculement résulte d’un double mouvement : d’une part, les naissances continuent de chuter avec 663 000 bébés nés en 2024, soit 2,2 % de moins qu’en 2023 et surtout 21,5 % de moins qu’en 2010, année du dernier pic des naissances. D’autre part, les décès augmentent avec 646 000 personnes décédées, soit une hausse de 1,1 % par rapport à 2023.
Chiffres clés 2024-début 2025
Indicateur | France métropolitaine | France entière |
---|---|---|
Naissances 2024 (provisoire) | 640 000 | 663 000 |
Décès 2024 (provisoire) | 641 000 | 646 000 |
Solde naturel 2024 | –1 000 | +17 000 |
Fécondité 2024 (ICF) | 1,59 enfant/femme | 1,62 |
Part des ≥ 65 ans | 22% | 21,2% |
Croissance totale 2024 | +0,20% (estim.) | +0,25% (dont 90 % dus à l’immigration nette) |
Pour la 1ère fois depuis la 2nde guerre mondiale, la France a plus de décès (651 200) que de naissances (650 400) en 12 mois.
➡️ Le solde naturel est **négatif**.
Et pourtant… personne n’en parle. ♂️ https://t.co/bq2h9dO3ds pic.twitter.com/d8Cghi5kaX— François Geerolf (@FrancoisGeerolf) July 18, 2025
Les facteurs derrière cette chute historique
Le vieillissement inexorable de la population
La hausse de la mortalité s’explique principalement par l’arrivée des générations nombreuses du baby-boom à des âges de forte mortalité. Les personnes âgées d’au moins 65 ans représentent désormais 21,8 % de la population française, contre 16,3 % en 2005. Cette tendance va s’accentuer dans les prochaines décennies, les plus anciennes générations du baby-boom atteignant 79 ans en 2025.
L’effondrement de la fécondité
L’indicateur conjoncturel de fécondité s’établit à 1,62 enfant par femme en 2024, contre 1,66 en 2023. Il faut remonter à la fin de la Première Guerre mondiale pour retrouver un niveau aussi bas. Cette baisse spectaculaire reflète plusieurs facteurs.
Les difficultés économiques pèsent lourdement sur les choix familiaux. L’augmentation du coût de la vie, les incertitudes professionnelles et l’accès difficile au logement constituent autant de freins à la parentalité.
L’évolution des modes de vie joue également un rôle déterminant. L’âge moyen à l’accouchement continue de progresser, atteignant 31,1 ans en 2024 contre 29,5 ans il y a vingt ans. Cette tendance au report des naissances, combinée à une durée plus longue des études et à l’instabilité professionnelle des jeunes adultes, contribue à la baisse de la natalité.
La France face à ses voisins européens
Paradoxalement, la France conserve encore une position relativement favorable en Europe. En 2022, l’indicateur conjoncturel de fécondité français s’établissait à 1,78 enfant par femme, soit le niveau le plus élevé de l’Union européenne, devant la Roumanie, la Bulgarie et la Tchéquie. À l’inverse, l’Espagne et Malte affichaient les niveaux les plus bas, avec moins de 1,2 enfant par femme.
Cette « exception française » s’estompe progressivement. Selon l’analyse de la démographe Michèle Tribalat, « l’ère de l’exception démographique française est close ». La France rejoint ainsi le groupe des pays européens confrontés au déclin démographique, 21 pays sur 27 de l’Union européenne affichant déjà un solde naturel négatif.
Les conséquences économiques à long terme
Le système de retraites sous tension
Ce basculement démographique aura des répercussions majeures sur l’économie française. Le système de retraites par répartition, qui repose sur la solidarité entre générations, sera particulièrement mis à l’épreuve. La France consacre déjà près de 14 % de son PIB aux dépenses de retraites, soit quatre points de plus que la moyenne européenne.
L’impact sur la croissance économique
La baisse de la population active et le vieillissement de la société pèseront sur la croissance économique. Les secteurs nécessitant une main-d’œuvre jeune et nombreuse devront s’adapter, tandis que les dépenses de santé et de dépendance augmenteront mécaniquement.
L’immigration comme dernier recours
Face à cette situation, l’immigration devient le seul moteur de la croissance démographique. Le solde migratoire, estimé à +152 000 personnes en 2024, permet encore à la France de maintenir une croissance de sa population totale de 0,25 %. Cette dépendance croissante à l’immigration pour maintenir le dynamisme démographique constitue un défi politique et social majeur.
Vers un réveil des politiques publiques ?
Face à cette situation préoccupante, les pouvoirs publics commencent à réagir. Plusieurs textes visant à relancer la natalité ont été déposés à l’Assemblée nationale en 2025, comportant des mesures de réforme des aides familiales et d’amélioration de l’accompagnement des familles.
Cependant, les experts restent prudents quant à l’efficacité de ces mesures. Comme le souligne le Syndicat de la Famille : « le principe d’une politique nataliste est simple : plus le quotidien des parents sera facilité, plus ils seront en mesure d’avoir les enfants qu’ils désirent ».
Un silence médiatique troublant
Malgré l’importance historique de ce basculement démographique, le sujet reste largement absent du débat public. Cette situation inédite depuis 1945 mériterait pourtant une attention particulière, tant ses implications sont profondes pour l’avenir du pays.
Le manque de couverture médiatique de cette réalité démographique contraste avec l’ampleur des défis qu’elle représente. Il est urgent que la société française prenne conscience de cette nouvelle donne et engage une réflexion collective sur les moyens d’y faire face.

Yann, 35 ans, passionné par les enjeux de société et de politique, porte un regard libre et attentif sur le monde qui l’entoure. Installé à Strasbourg, ville qu’il affectionne tout particulièrement, il décrypte l’actualité avec curiosité, rigueur et une volonté constante de comprendre et faire comprendre les dynamiques à l’œuvre dans notre époque