Le Tribunal de l’Union européenne a tranché ce mercredi 16 juillet 2025 dans l’affaire qui opposait les héritières de Jean-Marie Le Pen au Parlement européen. La décision est sans appel : les trois filles de l’ancien leader du Front national devront bien rembourser la somme de 303 200,99 euros réclamée par l’institution européenne pour des frais de mandat jugés indus.
Une décision qui clôt un long contentieux
Cette affaire trouve ses racines dans une enquête menée par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) qui avait passé au crible les dépenses de Jean-Marie Le Pen durant son mandat d’eurodéputé. Entre 2009 et 2018, l’ancien cofondateur du Front national avait utilisé la « ligne budgétaire 400 » du Parlement européen pour se faire rembourser des achats pour le moins surprenants.
La liste établie par l’OLAF révèle un catalogue hétéroclite : stylos, cartes de visite, cravates, parapluies, balances de cuisine, horloges de bureau, bracelets connectés, lunettes de réalité virtuelle et même 129 bouteilles de vin. Autant d’objets que l’ancien eurodéputé avait réussi à faire financer par les deniers publics européens sous couvert de « frais de mandat ».
Un règlement strict bafoué
Le règlement du Parlement européen concernant la ligne budgétaire 400 est pourtant explicite. Cette enveloppe budgétaire doit exclusivement couvrir « les dépenses administratives et de fonctionnement des groupes politiques » ainsi que « les dépenses liées aux activités politiques et d’information dans le cadre des activités politiques de l’Union européenne ».
Les textes précisent également que ces crédits ne peuvent « se substituer à des dépenses déjà couvertes par d’autres lignes budgétaires » et interdisent formellement leur utilisation pour « l’achat de biens immeubles ou de véhicules » ou pour « financer toute forme de campagne électorale ».
L’enquête de l’OLAF avait notamment révélé que nombre de bulletins d’information facturés au Parlement européen n’étaient que des « copier-coller » de textes en accès libre et avaient été surfacturés « par rapport au travail véritablement réalisé pour les produire ».
Le processus judiciaire
Le 8 juillet 2024, le secrétaire général du Parlement européen notifiait officiellement à Jean-Marie Le Pen qu’il devait reverser 303 200,99 euros. L’ancien député européen, qui avait siégé quasi sans discontinuer pendant trois décennies jusqu’en 2019, contestait cette demande devant le Tribunal de l’Union européenne.
Après la mort de Jean-Marie Le Pen le 7 janvier 2025, ses trois filles Marine, Yann et Marie-Caroline avaient repris la procédure en tant qu’héritières. Leurs avocats arguaient que la procédure du Parlement violait les « principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime » et que le « droit à un procès équitable » n’avait pas été respecté.
Le rejet des arguments de la défense
Le Tribunal de l’Union européenne, basé à Luxembourg, a balayé ces arguments. Dans son arrêt, la juridiction souligne que Jean-Marie Le Pen avait été « informé de l’enquête initiale de l’OLAF et invité à présenter ses observations ». Elle relève également que « la procédure du Parlement ayant conduit à réclamer ce remboursement n’est pas contraire aux principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime ».
Les juges ont également écarté l’argument selon lequel « le droit à un procès équitable » aurait été violé, estimant que toutes les garanties procédurales avaient été respectées.
Les conséquences pour les héritières
Cette décision place désormais les trois héritières de Jean-Marie Le Pen face à leurs responsabilités. L’entourage de Marine Le Pen a fait savoir qu’elles « vont étudier la décision avec l’ensemble des ayants droit », laissant entendre qu’un pourvoi pourrait être envisagé.
Le règlement prévoit effectivement qu’un pourvoi limité aux questions de droit peut être formé devant la Cour de justice de l’UE dans un délai de deux mois et dix jours à compter de la notification de la décision.
Une affaire distincte des assistants parlementaires
Il convient de préciser que cette affaire est totalement distincte de celle des assistants parlementaires de l’ex-Front national qui a valu début 2025 à Paris des condamnations à plusieurs figures du parti, dont Marine Le Pen elle-même. Cette dernière procédure concernait l'emploi présumé fictif d’assistants parlementaires européens pour des travaux au profit du parti.
L’affaire tranchée ce mercredi concerne uniquement les dépenses personnelles que Jean-Marie Le Pen avait indûment facturées comme des frais de mandat professionnel. Elle illustre les difficultés de contrôle des dépenses des élus européens et la nécessité de renforcer les mécanismes de surveillance.
Un précédent pour l’avenir
Cette décision du Tribunal de l’Union européenne pourrait faire jurisprudence pour l’avenir. Elle confirme que les institutions européennes disposent des moyens juridiques nécessaires pour récupérer les fonds publics utilisés de manière inappropriée par les élus.
L’OLAF, créé en 1999 pour lutter contre la fraude au détriment du budget européen, a démontré son efficacité dans cette affaire. L’office dispose de pouvoirs d’enquête étendus et peut formuler des recommandations disciplinaires ou judiciaires à l’issue de ses investigations.

Yann, 35 ans, passionné par les enjeux de société et de politique, porte un regard libre et attentif sur le monde qui l’entoure. Installé à Strasbourg, ville qu’il affectionne tout particulièrement, il décrypte l’actualité avec curiosité, rigueur et une volonté constante de comprendre et faire comprendre les dynamiques à l’œuvre dans notre époque