Strasbourg déclare la guerre aux incivilités environnementales. La capitale alsacienne, fatiguée de voir ses rues transformées en dépotoirs, a décidé de frapper fort avec un arsenal de sanctions inédites. Une politique du bâton qui marque un tournant radical dans la gestion de l’espace public.
Un nouveau cadre réglementaire aux amendes dissuasives
Le 17 juillet 2025 restera comme une date charnière pour la propreté strasbourgeoise. Ce jour-là, Jeanne Barseghian a signé un arrêté municipal qui envoie un signal sans équivoque : jeter ses déchets dans la rue coûtera désormais très cher. Très, très cher même, avec des amendes pouvant atteindre 15 000€.
Exit les timides 135€ d’amende forfaitaire. La nouvelle grille tarifaire ressemble plutôt à une liste de courses cauchemardesque. Un mégot : 135€. Des déchets verts : 200€. Un tag : 450€. Des encombrants : 750€. Et pour les vrais amateurs de pollution, les produits dangereux comme les solvants peuvent vous ruiner à 5 000€.
Des majorations qui font mal au portefeuille
Le système prévoit des pénalités qui donnent le tournis. Utiliser un véhicule pour déposer ses déchets ? Doublez la mise. Choisir un espace vert comme poubelle ? Triplez. Et pour les plus imaginifs qui cumuleraient les infractions, le jackpot peut atteindre 15 000€. De quoi y réfléchir à deux fois avant de jeter son chewing-gum.
Une situation alarmante qui justifie la fermeté
Derrière ces chiffres chocs, une réalité édifiante. En 2024, les services municipaux ont ramassé l’équivalent de 320 tonnes de dépôts sauvages. Soit le poids de 25 bus strasbourgeois remplis de détritus. Les graffitis et affichages sauvages ont quant à eux couvert 63 374 m², presque la superficie de dix terrains de football.
« Assez, c’est assez » semble dire la maire. Les solutions gratuites existent, les déchetteries aussi. Alors pourquoi continuer à transformer la ville en poubelle à ciel ouvert ? L’ancien système de verbalisation, avec ses amendes ridicules, ne faisait visiblement plus peur à personne. Surtout pas aux entreprises spécialistes des dépôts massifs.
Un dispositif de surveillance renforcé
Bien sûr, une amende, aussi dissuasive soit-elle, ne sert à rien si personne ne vient la mettre. Strasbourg a donc déployé une véritable armada de surveillance. Vingt secteurs identifiés comme « points noirs » sont désormais sous haute surveillance. Ces zones, souvent situées dans les quartiers prioritaires, voient fleurir des panneaux menaçants rappelant les nouvelles sanctions.
34 agents de surveillance arpentent les rues, dont six forment une « éco-brigade » spécialisée. Leur tableau de chasse pour 2023, 503 infractions relevées pour dépôts sauvages. Ils traquent sans relâche les fumeurs indélicats, les propriétaires de chiens peu scrupuleux et autres pollueurs du quotidien.
La chasse aux mégots, priorité numéro un
Parmi leurs cibles favorites : les mégots. Ces petits déchets qui semblent anodins mais empoisonnent littéralement la ville. L’Eurométropole s’est fixé un objectif ambitieux : -35% de mégots d’ici 2027. Pour y parvenir, 262 cendriers ont été installés aux arrêts de tram, complétés par 250 cendriers urbains près des commerces.
La carotte accompagne le bâton. 40 000 cendriers de poche ont été distribués lors du marché de Noël. Un geste qui rappelle qu’un seul mégot peut polluer 500 litres d’eau et mettre douze ans à disparaître. De quoi faire réfléchir avant de jeter son mégot n’importe où.
Une approche globale de la propreté urbaine
La stratégie strasbourgeoise ne se résume pas à punir. Elle s’articule autour d’un triptyque : « Prévenir – Traiter – Sanctionner ». Le volet prévention mise sur l’amélioration des services. 119 nouveaux conteneurs enterrés vont voir le jour en 2025, tandis que la collecte sélective s’étend progressivement à toutes les communes.
Cinq millions de canisacs ont été distribués pour lutter contre les déjections canines. Des équipes de propreté travaillent sept jours sur sept dès 5h du matin. En 2024, elles ont collecté 8 316 tonnes de déchets. Des chiffres qui donnent le vertige et expliquent l’urgence à agir.
Des défis qui persistent
Malgré ces efforts, les obstacles restent nombreux. Le tri des déchets présente encore 35% d’erreurs en porte-à-porte. Un chiffre qui fait grincer des dents les responsables municipaux et alourdit considérablement la facture.
La dimension sociale complique aussi la donne. Certains quartiers cumulent les difficultés socio-économiques et les dépôts sauvages. Un cercle vicieux que la municipalité tente de briser par un travail de terrain avec les bailleurs sociaux et les habitants.
Un enjeu qui dépasse la simple propreté
Au-delà de l’aspect environnemental, c’est l’image même de Strasbourg qui est en jeu. Comment prétendre être une métropole exemplaire en transition écologique quand les rues ressemblent à des décharges ? Comment attirer touristes et investisseurs dans une ville sale ?
Avec les élections municipales de 2026 en ligne de mire, Jeanne Barseghian a fait de la propreté urbaine un axe fort de sa campagne. Les réseaux sociaux regorgent de photos choquantes de dépôts sauvages qui alimentent la colère des habitants. La nouvelle politique répressive vise autant à dissuader les pollueurs qu’à rassurer une population excédée.
Un modèle pour d’autres villes ?
Si l’expérience strasbourgeoise porte ses fruits, elle pourrait faire des émules. D’autres villes confrontées aux mêmes problèmes observent avec attention ce laboratoire à ciel ouvert. La flexibilité des sanctions administratives, plus adaptables que les procédures pénales, présente un avantage indéniable.
Reste que l’éducation reste la clé. Avant de sanctionner, Strasbourg mise sur la pédagogie. Une période de sensibilisation précède systématiquement la répression. L’objectif n’est pas de remplir les caisses de la ville, mais bien de changer les comportements.
Les prochains mois seront cruciaux pour juger de l’efficacité réelle de ces mesures. Si les volumes de déchets sauvages diminuent significativement, d’autres collectivités pourraient bien s’inspirer de ce modèle. Une chose est sûre : à Strasbourg, l’époque du laisser-faire est bel et bien révolue.

Yann, 35 ans, passionné par les enjeux de société et de politique, porte un regard libre et attentif sur le monde qui l’entoure. Installé à Strasbourg, ville qu’il affectionne tout particulièrement, il décrypte l’actualité avec curiosité, rigueur et une volonté constante de comprendre et faire comprendre les dynamiques à l’œuvre dans notre époque