Le dernier rapport de l’Institute for Economics and Peace vient de tomber, et les résultats donnent à réfléchir. La France, patrie des droits de l’homme et destination touristique prisée, ne se classe qu’au 74e rang mondial en matière de paix et de sécurité. Un paradoxe pour cette nation qui se veut le phare de la démocratie européenne, mais dont les indicateurs internes racontent une autre histoire.
Méthodologie du Global Peace Index : comment mesure-t-on la paix ?
Depuis 2008, le Global Peace Index établit son classement avec une rigueur méthodologique qui lui vaut la reconnaissance des grandes organisations internationales. Mais comment transforme-t-on le concept abstrait de « paix » en données mesurables ?
L’étude repose sur 23 indicateurs répartis en trois piliers. Le premier évalue la sécurité intérieure : criminalité, terrorisme, manifestations violentes. Le second examine les conflits en cours, qu’ils soient internes ou externes. Le troisième, souvent le plus pénalisant pour la France, mesure le degré de militarisation.
Chaque pays reçoit une note entre 1 (exemplaire) et 5 (préoccupant). Ces chiffres cachent pourtant des réalités complexes. Une manifestation qui tourne mal pèse autant dans la balance que des exportations d’armes ou un conflit militaire à l’étranger. La paix serait-elle donc affaire de perception autant que de réalité ?
74e place : le décryptage d’un classement surprenant
Imaginez : la France, 5e puissance économique mondiale, devancée par le Sénégal (73e) et la Jordanie (71e). Pire encore, elle se retrouve bon dernier en Europe occidentale, loin derrière ses voisins immédiats. L’Allemagne ? 12e. L’Espagne ? 18e. Même l’Italie, souvent critiquée pour son instabilité politique, caracole à la 25e place.
Cette position médiocre s’explique par plusieurs facteurs. D’abord, la militarisation française, la plus élevée d’Europe occidentale. Notre pays cumule les mauvais points : conflits externes (note maximale de 5/5), exportations d’armes, arsenal nucléaire. La guerre en Ukraine n’a fait qu’aggraver cette tendance.
Ensuite, l’instabilité politique chronique. Les gouvernements qui tombent comme des dominos, une Assemblée nationale ingouvernable, des tensions sociales persistantes… Autant d’éléments qui plombent notre score. Le rapport note d’ailleurs une recrudescence des manifestations violentes depuis 2023.
Quinze ans de dégringolade : comment en est-on arrivé là ?
En 2010, la France pointait encore à la 36e place mondiale. Que s’est-il passé depuis ? Les attentats de 2015 ont marqué un tournant, faisant bondir l’indice « impact du terrorisme ». Les Gilets jaunes, la crise des retraites, puis l’instabilité politique post-Macron ont achevé de dégrader notre position.
Seule parenthèse positive : les confinements de 2020-2021. Ironie du sort, c’est une pandémie mondiale qui a temporairement amélioré nos indicateurs de sécurité intérieure. Mais cette embellie n’aura été qu’un feu de paille.
Aujourd’hui, nous sommes le seul pays d’Europe occidentale classé dans la catégorie « niveau moyen de paix ». Une étiquette qui ressemble à un camouflet pour une nation qui se rêve en modèle démocratique.
Les cinq défis qui attendent la France
Premier défi : recoudre le tissu social déchiré. La polarisation de la société française atteint des niveaux inquiétants. On ne se contente plus de diverger d’opinion, on se méprise entre camps politiques.
Deuxième défi : stabiliser les institutions. Comment prétendre à la paix sociale quand l’Assemblée ressemble à une foire d'empoigne et que les gouvernements tombent les uns après les autres ?
Troisième défi : trouver l’équilibre entre sécurité extérieure et stabilité intérieure. Notre statut de puissance militaire mondiale nous coûte cher en termes de classement. Faut-il pour autant renoncer à notre rôle sur la scène internationale ?
Quatrième défi : mieux répartir les ressources publiques. Entre dépenses militaires et investissements sociaux, le curseur est mal placé. La paix intérieure se construit aussi dans les écoles et les hôpitaux.
Cinquième défi : anticiper les nouvelles menaces. Cyberattaques, changement climatique, ingérences étrangères… Les défis du XXIe siècle demandent des réponses nouvelles.
Et maintenant ?
Ce classement doit-il nous alarmer ? Sans doute. Mais il peut aussi servir d’électrochoc. La paix n’est pas qu’une absence de guerre, c’est un équilibre fragile entre sécurité, justice et cohésion sociale.
Réapprendre à vivre ensemble, retrouver confiance dans nos institutions, repenser notre place dans le monde… Voilà peut-être le chemin qui nous ramènera vers le haut du classement. À condition de ne pas se contenter de constats alarmistes, mais de passer résolument à l’action.
Car au fond, la question n’est pas de savoir pourquoi nous sommes 74e. Mais plutôt : que sommes-nous prêts à faire pour remonter la pente ?
Source Gloabl Peace Index : https://www.visionofhumanity.org/wp-content/uploads/2025/06/Global-Peace-Index-2025-web.pdf

Yann, 35 ans, passionné par les enjeux de société et de politique, porte un regard libre et attentif sur le monde qui l’entoure. Installé à Strasbourg, ville qu’il affectionne tout particulièrement, il décrypte l’actualité avec curiosité, rigueur et une volonté constante de comprendre et faire comprendre les dynamiques à l’œuvre dans notre époque