L’Institut national de la statistique et des études économiques a publié ce vendredi 8 août des chiffres qui témoignent d’une période de transition pour le marché du travail français. Le taux de chômage au sens du Bureau international du travail demeure inchangé à 7,5% de la population active au deuxième trimestre 2025, marquant une stabilisation après plusieurs mois d’évolutions contrastées. Cette stagnation cache néanmoins des réalités complexes qui méritent une analyse approfondie.
Un équilibre fragile sur fond de révisions
Les données de l’Insee révèlent que 2,4 millions de personnes se trouvent actuellement au chômage en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer hors Mayotte. Ce chiffre représente une augmentation de 29 000 personnes par rapport au trimestre précédent, soit une progression modérée qui n’affecte pas significativement le taux global (Source : Insee.)
Ce maintien à 7,5% intervient dans un contexte économique particulier. L’Insee a révisé ses données du premier trimestre 2025, rehaussant le taux de 7,4% à 7,5%, ce qui explique en partie l’impression de stagnation observée.
Cette situation intervient alors que le taux de chômage français demeure supérieur à son point bas historique de 7,1% enregistré au quatrième trimestre 2022 et au premier trimestre 2023. Il reste néanmoins très largement inférieur au pic de 10,5% atteint à la mi-2015, témoignant des progrès accomplis sur le marché du travail au cours de la dernière décennie.
Les jeunes résistent mieux que les actifs expérimentés
L’analyse détaillée des statistiques révèle des évolutions contrastées selon les segments de population. Les jeunes de 15 à 24 ans connaissent une légère amélioration avec un taux de chômage qui recule de 0,2 point à 19% au deuxième trimestre. Cette baisse demeure toutefois insuffisante pour compenser la dégradation observée sur un an, le taux restant supérieur de 1,2 point à son niveau du deuxième trimestre 2024.
À l’inverse, la situation des actifs en milieu de carrière, âgés de 25 à 49 ans, présente un tableau moins favorable. Leur taux de chômage progresse de 0,2 point sur le trimestre pour atteindre 6,9%, soit une hausse de 0,3 point en comparaison annuelle. Cette évolution témoigne des difficultés rencontrées par cette catégorie de population, pourtant considérée comme le cœur de la population active.
Les seniors de 50 ans et plus maintiennent leur position avec un taux stable à 4,8% sur le trimestre. Ils bénéficient même d’une amélioration relative puisque leur taux de chômage demeure inférieur de 0,2 point à celui observé un an auparavant, confirmant les effets positifs des politiques d'emploi des seniors et des réformes des retraites successives.
L’analyse par sexe révèle des tendances divergentes. Le taux de chômage des femmes se maintient pratiquement stable avec une baisse marginale de 0,1 point à 7,3%. En revanche, les hommes voient leur situation se dégrader légèrement avec une hausse de 0,2 point qui porte leur taux de chômage à 7,7%.
L'emploi bat tous les records historiques
Malgré cette stagnation du chômage, la France enregistre une performance remarquable en matière d'emploi. Le taux d'emploi des 15-64 ans progresse de 0,1 point sur le trimestre pour atteindre 69,6%, établissant un nouveau record historique depuis le début des mesures de l’Insee en 1975.
Cette performance exceptionnelle s’explique notamment par la dynamique favorable de l'emploi des seniors. Le taux d'emploi des 50-64 ans gagne 0,2 point sur le trimestre et 1,2 point sur un an pour s’établir à 69,4%, constituant également un nouveau point haut historique. Plus spécifiquement, les 55-64 ans affichent un taux d'emploi de 61,8%, en progression de 0,3 point sur le trimestre et de 1,7 point sur un an.
Cette évolution remarquable des seniors sur le marché du travail résulte des réformes successives des retraites qui ont progressivement repoussé l’âge de départ et incité au maintien en activité. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques, le taux d'emploi des 55-59 ans a bondi de 28,9 points de pourcentage en France au cours des deux dernières décennies, soit plus du double de la moyenne des pays membres (Source : OCDE)
La loi pour le plein emploi cherche encore ses marques
Le deuxième trimestre 2025 marque également la deuxième période d’application de la loi pour le plein emploi, entrée en vigueur au 1er janvier 2025. Cette réforme majeure impose notamment l’inscription automatique à France Travail des bénéficiaires du revenu de solidarité active, des jeunes accompagnés en missions locales et des personnes en situation de handicap.
Selon l’Insee, l’impact de cette législation sur les indicateurs du marché du travail demeure pour l’instant « peu significatif » au niveau du taux de chômage et des autres mesures de l'emploi. Cette situation s’explique par le caractère récent de la mise en œuvre et la nécessité d’un délai d’adaptation pour que les effets se manifestent pleinement dans les statistiques.
La loi prévoit également des modifications substantielles dans l’accompagnement des demandeurs d'emploi et introduit de nouveaux mécanismes de contrôle et de sanction. Ces changements structurels pourraient avoir des répercussions plus visibles dans les trimestres à venir, à mesure que les nouveaux dispositifs montent en puissance.
Le halo du chômage reste préoccupant
Au-delà des chiffres officiels du chômage, l’Insee recense 1,9 million de personnes dans ce qu’il appelle le « halo autour du chômage ». Il s’agit d’individus qui souhaitent travailler mais ne remplissent pas tous les critères pour être comptabilisés comme chômeurs, soit parce qu’ils ne recherchent pas activement un emploi, soit parce qu’ils ne sont pas immédiatement disponibles.
Ce halo augmente légèrement de 21 000 personnes sur le trimestre pour représenter 4,4% de la population des 15-64 ans. Bien qu’il reste inférieur de 51 000 personnes à son niveau d’un an auparavant, cette progression témoigne des difficultés persistantes d’une frange de la population à s’insérer sur le marché du travail.
Cette catégorie revêt une importance particulière car elle constitue un réservoir potentiel de main-d’œuvre qui pourrait, sous certaines conditions, rejoindre les rangs des actifs. Son évolution permet également de nuancer l’interprétation des statistiques officielles du chômage et d’appréhender de manière plus complète les tensions du marché du travail.
Des prévisions économiques qui inquiètent
L’analyse du contexte économique global éclaire les enjeux auxquels fait face le marché du travail français. Selon les projections de l’OCDE, la croissance du produit intérieur brut français devrait ralentir de 1,1% en 2023-2024 à 0,6% en 2025, en raison de l’incertitude accrue des politiques économiques, avant de reprendre progressivement pour atteindre 0,9% en 2026.
Cette décélération économique pourrait peser sur l’évolution future du chômage. L’organisation internationale anticipe d’ailleurs une remontée du taux de chômage à 7,8% à la fin de l’année 2025, avant un reflux à 7,4% fin 2026. Ces prévisions suggèrent que la période de stabilité actuelle pourrait laisser place à des turbulences dans les mois à venir.
L’Observatoire français des conjonctures économiques abonde dans le même sens en prévoyant des destructions d'emplois significatives. Ses analystes anticipent 245 000 suppressions nettes d'emplois dans le secteur marchand entre fin 2024 et fin 2026, avec des conséquences directes sur l’évolution du chômage (Source : OFCE)
L'emploi face aux défis démographiques
La France, à l’instar de nombreux pays développés, doit composer avec les effets du vieillissement de sa population. Selon l’OCDE, le nombre de personnes âgées par personne en âge de travailler augmentera de 67% d’ici 2060 dans l’ensemble des pays membres. Pour la France spécifiquement, le ratio emploi/population diminuera de 2,08 points de pourcentage, ce qui pourrait freiner la croissance économique.
Cette évolution démographique représente un défi majeur pour les politiques d'emploi. Elle nécessite une mobilisation accrue des talents inexploités, notamment par la réduction des écarts entre hommes et femmes en matière d'emploi et l’activation des travailleurs âgés en bonne santé. L’immigration régulière constitue également un levier pour compenser partiellement ces évolutions.
Les réformes des retraites s’inscrivent dans cette logique d’adaptation. La France a adopté en 2023 une réforme importante qui relève progressivement l’âge légal de la retraite de 62 à 64 ans d’ici 2030 et accélère le passage à la condition de 43 années de cotisation pour bénéficier d’une retraite complète.
Les mutations profondes du travail
L’évolution du marché du travail français reflète également des transformations structurelles profondes. L'emploi non salarié continue sa progression, représentant désormais 11% de l'emploi total, soit une hausse d’un point sur dix ans correspondant à 600 000 emplois supplémentaires.
Cette montée de l’entrepreneuriat et du travail indépendant s’explique par plusieurs facteurs : développement de l’économie numérique, recherche de flexibilité, politiques de soutien à la création d’entreprise. Elle témoigne d’une diversification des formes d'emploi qui redessine progressivement le paysage du travail en France.
Parallèlement, la part du temps partiel dans l'emploi augmente légèrement pour atteindre 17,7%, tout en demeurant inférieure de 1,1 point à son niveau de fin 2019. Cette évolution suggère une recherche d’équilibre entre vie professionnelle et personnelle, mais peut aussi traduire des contraintes liées à l’offre d'emploi disponible.
Une pause avant de nouveaux défis
Le maintien du taux de chômage à 7,5% au deuxième trimestre 2025 marque une étape dans l’évolution du marché du travail français. Après plusieurs années de baisse continue depuis le pic de 2015, cette pause témoigne d’une forme de normalisation économique post-pandémie.
Les défis demeurent nombreux pour les prochains mois : maintenir l'emploi des jeunes, adapter les compétences aux besoins de l’économie numérique, gérer les transitions professionnelles liées aux mutations technologiques. La mise en œuvre de la loi pour le plein emploi et l’évolution des politiques publiques d’accompagnement joueront un rôle déterminant dans l’orientation future de ces indicateurs.
Ce niveau de chômage intervient dans un contexte européen marqué par des disparités importantes. Avec 7,5%, la France maintient un taux supérieur de 2,2 points à la moyenne de l’OCDE, mais reste dans une position médiane au niveau européen, témoignant des spécificités de son modèle social et économique.
L’enjeu des prochains mois consistera à préserver cette relative stabilité tout en poursuivant les efforts d’amélioration structurelle du marché du travail, notamment en faveur des catégories les plus fragilisées et dans la perspective des mutations économiques à venir.

Yann, 35 ans, passionné par les enjeux de société et de politique, porte un regard libre et attentif sur le monde qui l’entoure. Installé à Strasbourg, ville qu’il affectionne tout particulièrement, il décrypte l’actualité avec curiosité, rigueur et une volonté constante de comprendre et faire comprendre les dynamiques à l’œuvre dans notre époque