Alors que de nombreux pays européens durcissent leur politique fiscale, le Portugal fait le choix inverse avec des réformes d’ampleur qui redessinent complètement son paysage fiscal. Ces mesures, adoptées dans le cadre du budget 2025, visent explicitement à attirer les capitaux étrangers et les talents internationaux.
Une baisse progressive et ambitieuse de l’impôt sur les sociétés
Le gouvernement portugais a lancé un plan de réduction progressive de l’impôt sur les sociétés particulièrement agressif. Le taux standard, qui était de 21% en 2024, est passé à 20% dès janvier 2025. Mais l’ambition du gouvernement de Luis Montenegro va bien au-delà. (Source : https://www.theportugalnews.com/fr/nouvelles/2025-09-12/le-portugal-a-contre-courant-de-la-tendance-en-matiere-dimpot-sur-les-societes/882229)
Selon les déclarations du ministre des Finances Joaquim Miranda Sarmento, « en 2026, le taux tombera à 17% et, en 2027, à 15% ». Cette trajectoire descendante place le Portugal dans une position ultra-compétitive par rapport à ses voisins européens, notamment la France qui maintient son taux à 25%.
Pour les petites et moyennes entreprises, les avantages sont encore plus marqués. Le taux sur les premiers 50 000 euros de revenus imposables est déjà passé de 17% à 16% en 2025, avec un objectif de 12,5% d’ici 2026. (Source : https://theblueportugal.com/fr/le-budget-2025-du-portugal-un-avenir-fiscalement-favorable-pour-les-investisseurs-et-les-nouveaux-residents/)
Des avantages fiscaux inédits pour les moins de 35 ans
La mesure la plus spectaculaire concerne les jeunes professionnels. Le Portugal a considérablement étendu son programme « IRS Jovem » qui offre désormais un système d’exonération fiscale échelonné sur dix ans pour tous les travailleurs de moins de 35 ans, quel que soit leur niveau d’études.
Le dispositif fonctionne selon une logique de dégressivité progressive particulièrement attractive : 100% d’exonération d’impôt sur le revenu la première année, 75% de la deuxième à la quatrième année, 50% de la cinquième à la septième année, et 25% de la huitième à la dixième année. Cette mesure s’applique aux revenus jusqu’à 28 000 euros par an, offrant une réduction fiscale substantielle aux jeunes en début de carrière. (Source : https://parakar.eu/fr/knowledge/portugal-fr/modifications-fiscales-au-portugal-pour-2025)
Le nouveau régime IFICI+ : un « flat tax » à 20% pour les talents qualifiés
En remplacement de l’ancien régime NHR (Résident Non Habituel), le Portugal a introduit en 2024 le régime IFICI+, communément appelé « NHR 2.0 ».
Ce régime offre un taux d’imposition forfaitaire de 20% sur les revenus du travail et les revenus professionnels qualifiés, pendant une période de dix ans. Mais l’avantage le plus significatif réside dans l’exonération totale des revenus de source étrangère, incluant les dividendes, les revenus locatifs et les plus-values.
Pour bénéficier de ce régime, les candidats doivent n’avoir pas été résidents fiscaux au Portugal durant les cinq dernières années et exercer une activité qualifiée dans des secteurs à forte valeur ajoutée : enseignement supérieur, recherche scientifique, centres d’investissement technologique, R&D, startups tournées vers l’exportation, ou entreprises d’importance économique stratégique.
L’exception notable : les pensions de retraite
Contrairement aux affirmations circulant sur les réseaux sociaux, le Portugal a en réalité durci sa position concernant les retraités étrangers. Depuis le 1er janvier 2024, l’ancien régime NHR qui permettait une exonération fiscale sur les pensions de retraite a été supprimé.
Les retraités étrangers qui s’installent au Portugal sont désormais soumis au régime fiscal de droit commun, avec des taux progressifs allant de 13% à 48% selon les tranches de revenus. Cette mesure marque la fin d’un « eldorado fiscal » qui avait attiré de nombreux retraités français ces dernières années.
Une baisse généralisée de l’impôt sur le revenu
Au-delà des mesures ciblées, le Portugal a également procédé à un ajustement général de ses tranches d’imposition. Les neuf tranches d’imposition ont été revalorisées de 4,6% en 2025, permettant d’éviter que les augmentations de salaire liées à l’inflation ne conduisent à une hausse de la pression fiscale.
La déduction spécifique a également été augmentée, passant d’environ 4 104 euros à 4 462 euros, réduisant mécaniquement le revenu imposable pour tous les contribuables.
Une stratégie assumée de compétitivité fiscale
Ces transformations s’inscrivent dans une stratégie assumée de compétitivité fiscale face aux autres pays européens. Avec un taux d’impôt sur les sociétés qui devrait atteindre 15% d’ici 2027, le Portugal se positionne bien en dessous de ses principaux concurrents : la France maintient son taux à 25%, l’Allemagne à environ 30%, et la moyenne européenne s’établit autour de 23%.
Le gouvernement portugais justifie cette approche par la nécessité d’attirer les investissements et de lutter contre l’émigration des jeunes talents. « Pour devenir prospère, il faut attirer le capital, pas le surtaxer », résume cette philosophie qui tranche avec les politiques fiscales de nombreux pays européens.
Des résultats attendus sur l’attractivité économique
Cette mutation fiscale vise plusieurs objectifs stratégiques. D’abord, retenir les jeunes diplômés portugais qui émigrent massivement vers d’autres pays européens faute d’opportunités suffisantes. Ensuite, attirer des entreprises internationales et des talents qualifiés dans les secteurs à forte valeur ajoutée.
Le Portugal espère également dynamiser son écosystème de startups et d’innovation grâce au régime IFICI+, qui cible spécifiquement les secteurs technologiques et scientifiques. Cette approche rappelle les stratégies fiscales adoptées par l’Irlande ou les Pays-Bas pour développer leur économie numérique.
Un pari sur l’effet volume contre l’effet taux
En réduisant massivement ses taux d’imposition, le Portugal fait le pari de l’effet volume : attirer suffisamment d’entreprises et de contribuables pour compenser la baisse des taux par une augmentation de l’assiette fiscale. Cette stratégie, déjà expérimentée avec succès par plusieurs pays européens, nécessite cependant du temps pour produire ses effets.
Les premières données disponibles suggèrent que cette approche commence à porter ses fruits. Le nombre de demandes de résidence fiscale au Portugal augmente significativement depuis l’annonce de ces transformations, particulièrement de la part de jeunes professionnels européens.
Cette mutation fiscale portugaise illustre une tendance plus large en Europe, où plusieurs pays cherchent à se différencier par leur attractivité fiscale. Alors que certains pays privilégient l’harmonisation fiscale européenne, le Portugal fait le choix inverse en assumant pleinement sa stratégie de différenciation compétitive.

Yann, 35 ans, passionné par les enjeux de société et de politique, porte un regard libre et attentif sur le monde qui l’entoure. Installé à Strasbourg, ville qu’il affectionne tout particulièrement, il décrypte l’actualité avec curiosité, rigueur et une volonté constante de comprendre et faire comprendre les dynamiques à l’œuvre dans notre époque