Le système de retraite minimum aux États-Unis : comment survivent les plus démunis ?

Bien que méconnu du public français, les États-Unis disposent d’un filet de sécurité sociale pour leurs citoyens les plus vulnérables, notamment les personnes âgées en situation de précarité. Si le système américain diffère radicalement du modèle français de protection sociale universelle, il propose néanmoins plusieurs dispositifs d’assistance destinés à garantir un minimum vital aux seniors qui n’ont pas pu cotiser suffisamment durant leur carrière professionnelle.

La pauvreté des personnes âgées demeure un enjeu majeur aux États-Unis. Selon les données officielles, le seuil de pauvreté fédéral s’établit à 15 060 dollars annuels pour une personne seule en 2024, soit environ 1 255 dollars par mois. Dans ce contexte, comment les citoyens américains qui n’ont pas suffisamment travaillé ou cotisé parviennent-ils à subvenir à leurs besoins ?

La Social Security : un socle minimal mais insuffisant

Le système de retraite par répartition américain, géré par la Social Security Administration, constitue le premier pilier de protection. Pour bénéficier d’une pension de retraite complète, il faut justifier de 40 trimestres de cotisation, soit 10 années de travail minimum. En 2024, le montant maximum de la pension Social Security s’élève à 3 822 dollars mensuels pour une personne partant à l’âge légal de la retraite.

Cependant, cette pension maximale ne concerne qu’une minorité de retraités qui ont cotisé sur les salaires les plus élevés pendant toute leur carrière. La pension moyenne versée par la Social Security n’atteint que 1 927 dollars par mois en 2024, et de nombreux retraités perçoivent des montants bien inférieurs.

Pour les personnes ayant travaillé de manière intermittente ou sur des emplois faiblement rémunérés, la Social Security propose un mécanisme de pension minimum spéciale. Ce montant minimal débute à 52,10 dollars mensuels pour 11 années de cotisation et peut atteindre 1 093,10 dollars pour 30 années de couverture en 2025.

Le SSI : la bouée de sauvetage pour les plus démunis

Lorsque la Social Security s’avère insuffisante ou inexistante, le dispositif SSI (Supplemental Security Income) entre en jeu. Administré par la Social Security Administration, ce régime constitue véritablement le « minimum retraite » américain.

Le SSI s’adresse aux personnes âgées de 65 ans et plus, aux aveugles et aux personnes handicapées disposant de revenus et de ressources très limités. En 2024, le montant maximum du SSI s’établit à 943 dollars par mois pour une personne seule et 1 415 dollars pour un couple.

Pour être éligible au SSI, les conditions de ressources sont strictes. Une personne seule ne peut posséder plus de 2 000 dollars d’actifs (3 000 dollars pour un couple), hors résidence principale et véhicule personnel. Les revenus mensuels ne doivent pas dépasser 1 971 dollars s’ils proviennent d’un salaire, ou 963 dollars pour les autres types de revenus.

Près de 2,4 millions de personnes âgées bénéficient actuellement du SSI, ce qui représente un filet de sécurité essentiel pour les seniors les plus vulnérables. Le dispositif prend en compte les 20 premiers dollars de tout revenu mensuel, permettant aux bénéficiaires de conserver une partie de leurs autres ressources.

L’aide alimentaire : le mécanisme SNAP

L’insécurité alimentaire touche de nombreux seniors américains à revenus modestes. Le dispositif SNAP (Supplemental Nutrition Assistance Program), anciennement appelé « food stamps », propose une aide alimentaire mensuelle sous forme de carte électronique utilisable dans les commerces alimentaires.

Les personnes âgées de 60 ans et plus bénéficient de règles particulières dans le cadre du SNAP. Elles peuvent déduire leurs frais médicaux supérieurs à 35 dollars de leurs revenus pour le calcul de l’éligibilité, ce qui peut considérablement augmenter le montant de l’aide. Les seniors peuvent également posséder jusqu’à 4 500 dollars d’actifs tout en restant éligibles au dispositif, contre 2 250 dollars pour les autres catégories.

L’aide SNAP permet d’acheter la plupart des produits alimentaires de base : fruits, légumes, viandes, produits laitiers, céréales et pain. Elle ne couvre pas l’alcool, le tabac, les plats préparés chauds ou les produits d’hygiène.

L’accès aux soins : Medicare et Medicaid

La santé représente souvent le poste de dépenses le plus lourd pour les personnes âgées américaines. Le système prévoit heureusement une couverture spécifique.

Medicare, le régime d’assurance maladie fédéral, couvre automatiquement toutes les personnes de 65 ans et plus ayant cotisé au système de Social Security. La partie A (hospitalisation) est gratuite, tandis que la partie B (soins médicaux) nécessite une cotisation mensuelle minimale de 164,90 dollars en 2024.

Pour les seniors aux revenus les plus faibles, Medicaid vient compléter Medicare. Ce dispositif d’assistance médicale, géré au niveau des États, prend en charge les cotisations Medicare et couvre les frais non remboursés par ce dernier. Depuis la réforme « ObamaCare », Medicaid s’étend aux personnes dont les revenus atteignent jusqu’à 138 % du seuil de pauvreté fédéral, soit environ 20 120 dollars annuels pour une personne seule en 2024.

Cette complémentarité Medicare-Medicaid permet aux seniors les plus démunis d’accéder à des soins médicaux sans reste à charge significatif, incluant les consultations, hospitalisations, médicaments et soins de longue durée.

Le logement : Section 8 et dispositifs spécialisés

Le coût du logement constitue souvent le principal poste budgétaire des ménages américains. Plus de 10 millions de foyers dirigés par une personne de 65 ans et plus consacrent plus d’un tiers de leurs revenus au logement, situation qualifiée de « cost burdened ».

Le dispositif Section 8 (Housing Choice Voucher Program) offre une aide au logement sous forme de bons permettant de réduire significativement le montant du loyer. Les bénéficiaires ne paient que 30 % de leurs revenus ajustés pour le logement et les charges, le mécanisme couvrant la différence jusqu’à concurrence d’un plafond local.

Les personnes âgées constituent plus de la moitié des bénéficiaires des dispositifs d’aide au logement gérés par le département américain du Logement (HUD). L’éligibilité dépend des revenus, qui ne doivent pas dépasser 50 à 80 % du revenu médian de la zone géographique concernée.

Le mécanisme Section 202, spécifiquement destiné aux personnes de 62 ans et plus, finance la construction et l’exploitation de logements sociaux adaptés aux besoins des seniors. Contrairement au Section 8 qui fonctionne avec des bons utilisables dans le secteur privé, le Section 202 propose des logements dédiés avec des services adaptés.

L’aide énergétique : le dispositif LIHEAP

Les factures de chauffage et de climatisation peuvent représenter un fardeau considérable pour les ménages à revenus modestes, particulièrement dans les régions aux climats extrêmes. Le mécanisme LIHEAP (Low Income Home Energy Assistance Program) aide environ 6,7 millions de foyers américains à faire face à leurs dépenses énergétiques.

LIHEAP propose plusieurs types d’assistance : aide au paiement des factures de chauffage et de climatisation, assistance d’urgence en cas de coupure d’énergie, et dispositifs d’efficacité énergétique pour réduire durablement les coûts. Les montants d’aide varient selon les États, généralement entre 200 et 1 000 dollars par foyer et par an selon la taille du ménage et le type d’énergie utilisé.

Les seniors constituent une population prioritaire pour ce dispositif, souvent servis en premier lors de l’ouverture des périodes de candidature. Plusieurs États donnent la priorité aux ménages comportant des personnes âgées de plus de 60 ans ou des personnes handicapées.

Les transports : réductions et services spécialisés

La mobilité des personnes âgées constitue un enjeu majeur pour maintenir leur autonomie et leur accès aux services essentiels. Plusieurs municipalités américaines proposent des tarifs réduits ou gratuits dans les transports publics pour les seniors.

Les systèmes de transport en commun offrent généralement des réductions de 50 % ou plus pour les personnes de 65 ans et plus. Certaines villes proposent même la gratuité totale. Ces dispositifs nécessitent souvent une inscription préalable et la possession d’une carte d’identité spécifique.

Au-delà des transports publics traditionnels, de multiples communautés développent des services de transport adapté (paratransit) pour les personnes âgées et handicapées. Ces services « à la demande » permettent des déplacements personnalisés, notamment vers les rendez-vous médicaux, à des tarifs très réduits.

Des mécanismes de bénévolat organisent également des services de transport gratuits pour les seniors isolés, leur permettant de se rendre aux courses, chez le médecin ou à des activités sociales.

Des dispositifs d’assistance complémentaires

D’autres mécanismes viennent compléter ce filet de sécurité sociale. Les banques alimentaires et soupes populaires, souvent gérées par des associations caritatives ou religieuses, distribuent gratuitement des repas et des produits alimentaires aux personnes dans le besoin.

Plusieurs États et collectivités locales proposent des dispositifs d’aide spécifiques aux seniors : réductions sur les taxes foncières, aide aux médicaments, services de repas à domicile, ou encore accompagnement social.

Les entreprises de services publics (électricité, gaz, téléphone) offrent fréquemment des tarifs sociaux ou des mécanismes d’aide au paiement pour les ménages à faibles revenus, incluant des protections contre les coupures pendant les périodes de grand froid ou de forte chaleur.

Les limites du système et les défis persistants

Malgré l’existence de ces nombreux dispositifs, des lacunes subsistent dans le système de protection sociale américain. Les listes d’attente pour les aides au logement peuvent s’étendre sur plusieurs années dans certaines zones urbaines. L’accès à l’information reste inégal, de nombreux seniors éligibles ne connaissant pas l’existence de ces aides.

Les montants d’assistance, bien que constituant un filet de sécurité essentiel, peinent parfois à suivre l’évolution du coût de la vie, particulièrement dans les zones urbaines où les loyers et les prix alimentaires explosent. Le SSI à 943 dollars mensuels, par exemple, reste inférieur au seuil de pauvreté fédéral de 1 255 dollars par mois pour une personne seule.

La complexité administrative constitue également un obstacle. Chaque dispositif possède ses propres critères d’éligibilité, ses formulaires spécifiques et ses calendriers de renouvellement. Cette fragmentation peut décourager les personnes les plus vulnérables, souvent moins à l’aise avec les démarches administratives.

Les disparités géographiques ajoutent une couche de complexité supplémentaire. Si certains mécanismes sont fédéraux et donc uniformes sur tout le territoire, d’autres dépendent des États ou des collectivités locales, créant des inégalités importantes selon le lieu de résidence.

Ce système d’assistance, fruit de décennies d’évolutions législatives et sociales, permet néanmoins à des millions de seniors américains de maintenir un niveau de vie minimal. Il témoigne d’une solidarité nationale réelle et efficace pour les plus démunis. Ce modèle diffère certes du système européen de sécurité sociale universelle, mais n’en demeure pas moins performant dans sa mission de protection sociale.

L’évolution démographique américaine, avec le vieillissement de la génération du baby-boom, va mettre ces dispositifs à rude épreuve dans les années à venir. La pérennité et l’adaptation de ces mécanismes constituent l’un des défis majeurs de la politique sociale américaine du XXIe siècle.