La France, comme la plupart des pays industrialisés, dépend largement des importations pour s’approvisionner en matières premières essentielles à son économie. Cette dépendance touche des secteurs stratégiques allant de la construction automobile à la transition énergétique. Analysons en détail d’où proviennent ces ressources critiques.
Le pétrole, une diversification géopolitique progressive
Avec une production domestique couvrant moins de 2% de ses besoins, la France importe massivement du pétrole brut. En 2023, les importations ont atteint 46,5 millions de tonnes pétrole (Mtep) pour une facture de 27,3 milliards d’euros. (Source : Ministère de la Transition écologique)
Les États-Unis dominent désormais les approvisionnements français avec 16,7% des importations, devançant le Nigeria (12,4%) et le Kazakhstan (12,0%). Cette configuration s’explique par l'embargo total sur le pétrole russe depuis décembre 2022, suite à l’invasion de l’Ukraine.
L’Algérie (9,6%), la Libye (8,7%) et l’Irak (7,6%) complètent le tableau des principaux fournisseurs. Fait notable : plus de la moitié du pétrole français (53,7%) provient désormais des pays membres de l’OPEP, traduisant une dépendance accrue envers cette organisation. (Source : Connaissances des Énergies)
Le gaz naturel, la Norvège en tête d’une nouvelle géographie énergétique
La crise énergétique de 2022 a profondément remanié la carte des approvisionnements gaziers français. La Norvège s’impose comme le premier fournisseur avec 33% des importations, suivie par les États-Unis (26%) grâce aux livraisons massives de gaz naturel liquéfié (GNL). (Source : Conseil européen)
Malgré les sanctions, la Russie maintient encore 13% des approvisionnements français, principalement via des contrats de long terme. L’Algérie (9%), les Pays-Bas (5%) et le Qatar (5%) diversifient le mix énergétique. Les importations de GNL représentent désormais 59% des entrées de gaz, une proportion en constante augmentation depuis 2022.
Cette transformation s’accompagne d’investissements massifs dans les infrastructures : le terminal flottant du Havre, mis en service en octobre 2023, illustre cette adaptation aux nouvelles routes d’approvisionnement.
Le cuivre, entre transition énergétique et circuits d’approvisionnement complexes
Le cuivre connaît une demande explosive liée à la transition énergétique. Une voiture électrique consomme deux à cinq fois plus de cuivre qu’un véhicule thermique, tandis qu’une éolienne nécessite entre 1 et 5 tonnes selon sa taille. (Source : Made in France)
En 2024, les importations françaises de cuivre et produits cuivrés ont atteint 4,59 milliards d’euros, en hausse de 62,2% depuis 2020. Le Chili domine avec 17,8% des importations, suivi par l’Allemagne (16,6%) et la Belgique (12,8%).
Cette géographie reflète la complexité de la chaîne de valeur : si le Chili fournit le minerai brut, l’Allemagne et la Belgique exportent principalement des produits transformés. La France souffre d’un déficit d’infrastructures de transformation, avec un seul four de fusion opérationnel chez Nexans à Lens, limitant les capacités à 160 000 tonnes annuelles.
Le nickel, l’Indonésie bouleverse le marché mondial
Le marché du nickel a vécu une révolution géopolitique majeure avec l’ascension fulgurante de l’Indonésie. Ce pays produit désormais 49,3% du nickel mondial en 2022, suivi par les Philippines (11,2%) et la Russie (6,9%). (Source : BRGM – MineralInfo)
La Nouvelle-Calédonie, territoire français, conserve une position significative avec 6,2% de la production mondiale et 200 000 tonnes produites en 2022. Cependant, les mines calédoniennes traversent une crise économique majeure, aggravée par les troubles sociaux de 2024.
L’interdiction indonésienne d’exporter du minerai brut depuis 2020 a contraint les industriels à investir massivement dans des usines de transformation locales, modifiant profondément les flux commerciaux mondiaux. Cette stratégie vise à capturer davantage de valeur ajoutée sur le territoire indonésien.
Le fer, l’Australie et le Brésil dominent sans partage
Pour le minerai de fer, base de la production d’acier, l’Australie s’impose comme le leader incontesté avec environ 930 millions de tonnes produites en 2024. Le Brésil complète ce duopole qui contrôle près des trois quarts de la production mondiale. (Source : Le Marin)
La France, ne produisant pas de minerai de fer, dépend entièrement des importations. En 2024, les importations françaises depuis l’Australie ont toutefois baissé de 26%, reflétant la réduction de l’activité sidérurgique nationale et les difficultés du secteur.
La Mauritanie, ancien partenaire privilégié de la France dans ce domaine, maintient des exportations vers l’Hexagone à hauteur de 85 millions d’euros en 2023, principalement constituées de minerai de fer. Ce flux témoigne des liens historiques entre les deux pays dans le secteur minier.
Le cobalt, la République démocratique du Congo en position de monopole
Le cobalt présente l’une des concentrations géographiques les plus extrêmes du secteur minier. La République démocratique du Congo (RDC) contrôle près de 71% de la production mondiale avec 200 000 tonnes produites en 2024, loin devant la Zambie et l’Australie. (Source : Makanisi)
Cette situation de quasi-monopole place la RDC en position de force dans les négociations commerciales. Le gouvernement congolais a suspendu temporairement les exportations de cobalt brut en 2025 pour faire remonter les prix et encourager la transformation locale.
L’Europe, et donc la France, dépendent massivement de ce cobalt congolais pour leurs industries des batteries et véhicules électriques. Cette vulnérabilité géopolitique inquiète les autorités européennes qui cherchent activement des sources d’approvisionnement alternatives, notamment via des partenariats avec l’Australie et le Canada.
L’or, entre valeur refuge et circuits financiers internationaux
Paradoxalement, la France détient d’importantes réserves d’or sans posséder de mine en activité sur son territoire. La Banque de France conserve précieusement 2 436 tonnes d’or, ce qui place l’Hexagone au quatrième rang mondial des détenteurs de réserves aurifères, derrière les États-Unis, l’Allemagne et l’Italie. Banque de France
Ces réserves, constituées principalement entre 1957 et 1966 sous l’impulsion de Charles de Gaulle, témoignent d’une stratégie de souveraineté monétaire. Elles représentent aujourd’hui une valeur d’environ 180 milliards d’euros, fluctuant selon les cours du métal précieux.
Pour les importations d’or physique destinées aux particuliers et à l’industrie, la France s’approvisionne principalement via les centres de négoce internationaux. La Suisse, avec ses raffineries de renommée mondiale, constitue le principal hub d’approvisionnement européen. Londres, siège de la London Bullion Market Association (LBMA), demeure également un passage obligé pour les transactions aurifères internationales.
Le marché français de l’or physique représente environ 20 tonnes de consommation annuelle, répartie entre la bijouterie, l’industrie électronique et l’investissement privé. Gold.fr La demande française pour les pièces et lingots d’investissement a atteint près de 6 tonnes en 2022, illustrant l’attrait persistant des Français pour ce métal précieux comme valeur refuge.
Contrairement aux autres matières premières évoquées, l’or transite principalement par des circuits financiers sophistiqués, où les places de Londres et Zurich jouent un rôle déterminant dans la formation des prix et l’acheminement physique du métal vers les marchés de consommation européens.
Les enjeux stratégiques pour la souveraineté française
Cette cartographie des importations révèle plusieurs vulnérabilités structurelles. La concentration géographique extrême pour certaines ressources comme le cobalt crée des risques d’approvisionnement majeurs. Par ailleurs, la dépendance envers des régions géopolitiquement instables (Sahel, République démocratique du Congo) fragilise la sécurité des approvisionnements.
La France développe plusieurs stratégies de réponse : diversification des sources (États-Unis pour le GNL), renforcement des stocks stratégiques, investissements dans le recyclage et recherche de substituts. La réglementation européenne impose qu’au moins 25% de la consommation de substances premières stratégiques provienne du recyclage d’ici 2030.
Les entreprises françaises s’adaptent également : Eramet diversifie ses activités au-delà de la Nouvelle-Calédonie, tandis que les raffineurs repensent leurs circuits d’approvisionnement pétrolier. Cette transformation s’inscrit dans une réflexion plus large sur la souveraineté industrielle et énergétique française face aux défis géopolitiques contemporains.
La transition énergétique amplifie paradoxalement ces dépendances : les technologies vertes nécessitent davantage de métaux rares et de substances premières spécialisées. La France doit concilier ses objectifs climatiques avec une stratégie d’approvisionnement sécurisée et diversifiée, défi majeur des prochaines décennies.

Yann, 35 ans, passionné par les enjeux de société et de politique, porte un regard libre et attentif sur le monde qui l’entoure. Installé à Strasbourg, ville qu’il affectionne tout particulièrement, il décrypte l’actualité avec curiosité, rigueur et une volonté constante de comprendre et faire comprendre les dynamiques à l’œuvre dans notre époque