L’UE veut aller plus vite sur le climat mais à quel prix ?

Alors que les partis écologistes subissent un recul historique aux élections européennes, l’Union européenne persiste dans sa course vers la neutralité carbone. Un paradoxe qui interroge sur la véritable influence des Verts dans la politique climatique continentale. Entre mesures fiscales audacieuses et contestations grandissantes, le Green Deal européen traverse une zone de turbulences sans précédent.

Une politique climatique maintenue malgré le recul électoral des Verts

Le paysage politique européen a connu un séisme en juin 2024. Les écologistes français, avec un score calamiteux de 5,2%, ont enregistré leur pire performance depuis trois décennies. À l’échelle continentale, le groupe Vert au Parlement européen a perdu 18 sièges, glissant de la 4e à la 6e place. De quoi remettre en cause leur influence ? Pas si simple.

Contre toute attente, la Commission européenne maintient le cap. En février 2024, elle a proposé un objectif climatique pour le moins ambitieux : réduire de 90% les émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici 2040. Un chiffre qui fait grincer des dents plusieurs États membres, seulement six soutenant pleinement cette orientation. Pourtant, le Pacte vert survit à la débâcle électorale de ses principaux promoteurs.

Des politiques fiscales renforcées dans le secteur environnemental

Nouvelles taxes sur l’énergie et les véhicules

L’UE dégaine son arsenal fiscal sans attendre les résultats des urnes. Le transport maritime et aérien, longtemps épargnés, vont enfin mettre la main au portefeuille. Une petite révolution pour ces secteurs habitués aux passe-droits environnementaux.

En France, le gouvernement a opéré un véritable coup de balai dans la fiscalité automobile. Exit la TVS, place à deux nouvelles taxes annuelles ciblant spécifiquement les émissions de CO₂ et les polluants atmosphériques. Les entreprises possédant plus de 100 véhicules devront quant à elles verdir leurs flottes sous peine de sanctions financières. Un dispositif progressif qui laisse peu de répit aux retardataires : 15% de véhicules propres en 2025, puis 48% cinq ans plus tard.

Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières

Depuis octobre 2023, l’UE applique une mesure inédite : le MACF. Ce mécanisme astreint les importations d’acier, d’aluminium, de ciment et d’engrais à une taxe carbone équivalente à celle payée par les producteurs européens. Une façon de protéger l’industrie locale tout en évitant les délocalisations polluantes. Reste à voir comment les partenaires commerciaux de l’Europe vont digérer cette pilule.

Impact sur l'emploi et la compétitivité industrielle

Pertes d'emplois dans l’industrie

Derrière les belles déclarations d’intention, la transition écologique laisse des traces… dans les chiffres du chômage. Près d’un million d'emplois industriels évaporés depuis 2019. Les syndicats tirent la sonnette d’alarme, sous couvert de contrats courts et d’horaires réduits, ce sont potentiellement 4,3 millions de postes qui pourraient disparaître.

Les annonces s’enchaînent, ThyssenKrupp ferme des hauts-fourneaux, Volkswagen réduit la voilure… Plus de 100 000 emplois menacés rien que ces derniers mois. Même le secteur des énergies renouvelables, pourtant en plein boom, ne parvient pas à compenser ces pertes massives.

Défis de compétitivité

La Chine rigole sous cape. En deux ans à peine, son excédent commercial avec l’UE a doublé, frôlant désormais les 400 milliards d’euros. Pendant ce temps, les industriels européens se débattent avec des coûts énergétiques prohibitifs et des normes environnementales qui leur mettent des bâtons dans les roues. La compétitivité ? Un vieux souvenir pour beaucoup.

Un débat démocratique insuffisant selon les critiques

Opposition politique croissante

Le consensus européen sur le climat vole en éclats. Ce qui fut jadis une politique fédératrice divise désormais profondément le Vieux Continent. La droite et l’extrême droite ont troqué le climatoscepticisme primaire contre une stratégie plus subtile : l’écoloscepticisme. Résultat ? Une obstruction systématique qui bloque plusieurs textes majeurs.

La loi sur la restauration de la nature ? Reportée. La législation sur les produits chimiques ? Enterrée. Les directives sur la transparence environnementale ? Vidées de leur substance. Le Green Deal ressemble de plus en plus à un champ de bataille politique.

Manque de consultation démocratique

En France, le traitement du projet de loi Climat et Résilience a fait grincer des dents. Un quart des 5000 amendements déposés par les députés purement et simplement rejetés pour vice de forme. La société civile y voit un déni de démocratie, une façon cavalière de museler le débat parlementaire. Une tendance inquiétante qui se généralise à l’échelle européenne.

Perspectives et défis futurs

La nouvelle Commission européenne hérite d’un sacré casse-tête. Comment concilier ambition climatique et acceptabilité sociale ? L’objectif de -90% d’émissions en 2040 semble déjà faire l’unanimité… contre lui. Pourtant, les scientifiques sont formels, c’est ce niveau de réduction qui permettrait de respecter les accords de Paris.

Avec seulement 17,5 milliards d’euros, le Fonds de transition juste fait figure de cautère sur une jambe de bois. Insuffisant pour accompagner des millions de travailleurs vers les emplois verts. Insuffisant pour compenser les pertes industrielles. Insuffisant, tout simplement.

Le prochain quinquennat européen s’annonce décisif. Entre urgence climatique et colère sociale, la marge de manœuvre se réduit comme peau de chagrin. Une chose est sûre, l’Europe ne pourra pas contenter tout le monde. Et le temps des choix difficiles est venu.