L’Italie réalise actuellement une performance économique exceptionnelle qui tranche avec les difficultés persistantes de la France. Alors qu’Emmanuel Macron peine à réduire un déficit public qui atteint 5,8% du PIB en 2024, Giorgia Meloni peut se prévaloir d’avoir ramené celui de l’Italie à 3,4% du PIB, marquant un redressement de 85 milliards d’euros en seulement deux exercices budgétaires.
Cette transformation intervient alors que l’économie italienne affiche une croissance de 0,7% en 2024, dépassant les performances françaises et européennes. L’Italie est devenue le quatrième exportateur mondial, devançant le Japon et se rapprochant de l’Allemagne dans ce domaine.
Le redressement budgétaire italien : des chiffres qui parlent
Le contraste entre les deux pays méditerranéens est saisissant. L’Italie a opéré un virage radical en ramenant son déficit de 7,2% du PIB en 2023 à 3,4% en 2024, soit une amélioration de près de 4 points de PIB en une année. Cette performance lui a valu les félicitations du Fonds Monétaire International, qui souligne la trajectoire exemplaire du pays.
En France, la situation reste préoccupante avec un déficit qui s’établit à 5,8% du PIB en 2024 selon l’INSEE, et qui pourrait atteindre 5,7% en 2026 d’après les projections du FMI. La Cour des comptes française évoque même une « dérive inédite » des finances publiques, pointant un déficit qui atteint près de 175 milliards d’euros.
La dette publique italienne se contracte de 155% du PIB à 135,3% entre 2022 et 2024, tandis que la dette française continue de progresser pour atteindre 113% du PIB en 2024.
Les 14 mesures du redressement italien : analyse détaillée
Cette transformation résulte d’une stratégie méthodique articulée autour de quatorze mesures précises, alliant réductions de dépenses et optimisation des recettes.
Mesures de réduction des dépenses
1. Relance de la « spending review »
L’Italie a imposé des plafonds de dépense pluriannuels par ministère dans son projet de plan budgétaire 2024-2026. Cette « spending review » exige des « relazioni di revisione » (rapports de révision) de chaque ministère. Les économies votées s’élèvent à 1,2 milliard d’euros en 2024, 3,4 milliards d’euros en 2025, et 5,7 milliards d’euros en 2026.
2. Décrue du Super Bonus 110%
Cette réforme permettait à l’État de rembourser 110% des dépenses de rénovations énergétiques aux particuliers et copropriétés. Le coût avait explosé à près de 160 milliards d’euros en quatre ans. Une réduction graduelle a été opérée : le crédit est passé de 110% à 90% en 2023, puis 70% en 2024 et 65% en 2025. Cette mesure permet d’économiser 41 milliards d’euros, faisant passer la facture budgétaire de 140 à 99 milliards d’euros.
3. Conditions plus strictes pour les retraites avec le « quota 103 »
Cette réforme du système de retraite anticipée a généré 1,1 milliard d’euros d’économies. Initialement, le « quota 103 » permettait un départ à 62 ans avec 41 ans de cotisation. Désormais, l’État italien plafonne le montant de la pension à 4 fois le minimum (contre 5 auparavant) et allonge les délais d’attente. Depuis le 1er janvier 2025, le montant mensuel ne peut dépasser 2 394,44 euros jusqu’à ce que le bénéficiaire atteigne 67 ans.
4. Réforme de la justice civile
La durée moyenne d’un procès civil de troisième degré est passée de 2 512 jours en 2019 à 2 008 jours actuellement, soit une réduction de 20,1%. Cette décongestion des tribunaux accélère les processus et réduit les coûts du système de justice civile, avec un objectif de 40% de réduction d’ici juin 2026.
5. Digitalisation et généralisation de SPID/CIE
La généralisation du système d’identité numérique SPID/CIE déplace les données de l’administration publique locale vers une infrastructure cloud sécurisée. Cette modernisation permet une gestion administrative plus efficace, des délais de permis réduits et des contrôles d’identité simplifiés, générant des économies substantielles.
6. Le Jobs Act et renforcement des politiques de l'emploi : 470 millions d’euros d’économies
Le contrat à durée indéterminée « à protection croissante » prévoit que la protection contre le licenciement augmente avec l’ancienneté du salarié. Cette stabilisation des parcours professionnels réduit les dépenses de précarité (indemnités chômage, réallocation travail) tout en augmentant les recettes sociales et fiscales. En 2024, cette combinaison a dégagé un gain net de 470 millions d’euros pour les finances publiques.
7. Sortie progressive des aides d’énergie : 2 milliards d’euros d’économies
L’Italie a entamé le retrait progressif des mesures de soutien à l’énergie (remises sur facture, plafonnement des prix, ristournes fiscales) qui représentaient 0,4% du PIB en 2023. En limitant les aides aux seuls ménages vulnérables (revenus très faibles, bénéficiaires de minimas sociaux, familles nombreuses), l’État italien réalise une économie nette de 2 milliards d’euros sur l’exercice 2024.
8. Loi annuelle pour le marché et la concurrence 2022-2023 : 205 millions d’euros d’économies
Cette loi ouvre les marchés locaux (taxis, réseaux gaz) pour stimuler la concurrence. L’Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato a ouvert 28 enquêtes sur les concentrations, générant 120 millions d’euros de gains. La suppression des plafonds de licences de taxis a permis l’émission de 3 500 nouvelles licences, entraînant une baisse des tarifs de 8% et dopant les recettes de TVA de 18 millions d’euros. La simplification des concessions énergétiques a fait chuter de 12% les tarifs de distribution, générant 95 millions d’euros d’économies pour les budgets locaux.
Mesures d’optimisation des recettes
9. Facturation électronique généralisée (SdI)
Chaque facture doit obligatoirement transiter par le système SdI pour lutter contre la fraude fiscale. Cette réforme a permis de récupérer 6 milliards d’euros de fraude en 2019. De 2018 à 2022, la fraude TVA est passée de 21,6% à 10,6%, soit 16,3 milliards d’euros récupérés. Depuis janvier 2024, même les 2,1 millions de micro-entreprises doivent émettre des e-factures.
10. La réforme IRPEF : 4-5 milliards d’euros d’économies
La réforme de l’impôt sur le revenu des personnes physiques a modifié les tranches d’imposition, passant de 4 à 3 tranches : 23% jusqu’à 28 000 euros, 35% jusqu’à 50 000 euros, 43% au-delà. Cette simplification permet de supprimer plusieurs niches fiscales jugées moins efficaces, dégageant un gain de 4 à 5 milliards d’euros dès 2024.
11. Interconnexion des systèmes fiscaux et sociaux
L’interconnexion entre l’Agenzia delle Entrate et l’INPS permet l’échange de bases de données sur les revenus déclarés. Les mécanismes incluent des déclarations pré-complétées, des échanges inter-administration et des outils de data mining. En 2021, l’évasion fiscale et la fraude aux cotisations sociales coûtaient 83,6 milliards d’euros à l’Italie. Cette interconnexion renforce significativement la lutte contre l’évasion fiscale.
12. Programme de privatisations 2024-2026 : 20 milliards d’euros
La NADAF fixe l’objectif de céder des participations pour 20 milliards d’euros entre 2024 et 2026, soit 1% du PIB. Parmi les groupes concernés : Monte Dei Paschi di Siena, Poste Italiane, ENI, Ferrovie dello Stato, ITA Airways. Ces privatisations génèrent des recettes directes pour l’État.
13. Renforcement de la Digital Services Tax : 80 millions d’euros
L’Italie a supprimé le seuil de 5,5 millions d’euros pour l’application de la Digital Services Tax à 3%, incluant désormais plus de 1 600 entreprises offrant des services numériques. Cette extension s’applique dès le premier euro perçu sur toute prestation numérique et devrait procurer 80 millions d’euros de recettes supplémentaires en 2025.
14. « Rientrio dei cervelli » : attirer les entrepreneurs étrangers
L’Italie propose un dispositif fiscal permettant aux entrepreneurs étrangers qui transfèrent leur résidence fiscale de bénéficier d’un impôt sur le revenu forfaitaire plafonné à 200 000 euros. La taxation en matière de succession est de 4% après une exonération d’un million d’euros, rendant l’Italie attractive pour les investisseurs internationaux.
Une industrie exportatrice qui porte la croissance
Au-delà des mesures budgétaires, l’Italie bénéficie d’un modèle économique robuste. Le pays est devenu le quatrième exportateur mondial, dépassant le Japon au premier semestre 2024, avec des exportations de 651 milliards de dollars en 2023.
Cette performance repose sur son industrie manufacturière qui représente 18,1% du PIB en 2024. Le tissu productif italien, caractérisé par de nombreuses PME spécialisées dans la mécanique de précision, le textile haut de gamme et l’agroalimentaire, démontre une adaptabilité remarquable aux évolutions du marché mondial.
Le rôle stratégique du plan de relance européen
L’Italie a su exploiter efficacement le Plan de relance européen (PNRR). Principal bénéficiaire avec 194,4 milliards d’euros alloués, le pays a reçu 121,6 milliards d’euros fin 2024 et en a effectivement dépensé 63,8 milliards d’euros, soit 52% des fonds perçus. Cette utilisation pragmatique contraste avec les difficultés d’autres pays européens.
Les limites du modèle italien
Malgré ces succès, l’Italie doit encore relever des défis structurels. Le PIB réel par habitant a stagné entre 2004 et 2024, passant de 31 850 euros à 32 810 euros seulement. Cette stagnation souligne les défis de productivité à long terme que doit encore résoudre le pays.
La dette publique, bien qu’en amélioration, reste élevée à 135,3% du PIB. Les disparités régionales entre le Nord industriel et le Sud persistent et constituent un frein au développement équilibré.
Les enseignements pour la France
L’exemple italien démontre qu’une combinaison d’efforts budgétaires ciblés et de réformes structurelles peut rapidement restaurer la soutenabilité des finances publiques. La capacité de l’Italie à réduire son déficit de plus de 3 points de PIB en deux ans constitue un modèle d’inspiration.
Pour la France, les leçons sont multiples : nécessité d’une « spending review » rigoureuse, modernisation numérique de l’administration, lutte renforcée contre la fraude fiscale, réforme du système de retraites, et adaptation du marché du travail. L’interconnexion des systèmes fiscaux et sociaux, la rationalisation des aides publiques et l’ouverture à la concurrence des marchés locaux représentent autant de pistes d’amélioration.
L’Italie de Giorgia Meloni démontre qu’il est possible de concilier orthodoxie budgétaire et croissance économique, repositionnant le pays comme un acteur économique majeur en Europe. Cette transformation offre une feuille de route pragmatique pour d’autres pays confrontés à des défis similaires de redressement des finances publiques.
Le succès italien repose sur une approche méthodique combinant mesures d’économies ciblées, optimisation des recettes existantes, modernisation administrative et réformes structurelles. Cette stratégie globale permet de restaurer rapidement la crédibilité budgétaire tout en préservant la dynamique économique, offrant un modèle inspirant pour l’Europe.

Yann, 35 ans, passionné par les enjeux de société et de politique, porte un regard libre et attentif sur le monde qui l’entoure. Installé à Strasbourg, ville qu’il affectionne tout particulièrement, il décrypte l’actualité avec curiosité, rigueur et une volonté constante de comprendre et faire comprendre les dynamiques à l’œuvre dans notre époque