« Votre allocation mensuelle sera désormais identique chaque mois, qu’il y ait 28, 30 ou 31 jours. » C’est par cette annonce apparemment anodine que des millions de Français ont découvert l’un des changements majeurs de la réforme de l’assurance chômage entrée en vigueur en 2025. Une réforme qui modifie profondément le système d’indemnisation des demandeurs d'emploi en France et transforme considérablement leurs droits et obligations.
Un nouveau système d’indemnisation depuis le 1er avril 2025
Mensualisation des allocations : même montant, tous les mois
Finie l’incertitude des variations mensuelles. Depuis le 1er avril 2025, l’allocation chômage est versée sur une base fixe de 30 jours par mois, quel que soit le mois concerné Service-Public.fr. Par exemple Alice, qui perçoit une allocation journalière de 50 €, cela signifie un versement stable de 1 500 € chaque mois, contre des montants qui oscillaient auparavant entre 1 400 € en février et 1 550 € en mars.
Cette mensualisation, si elle apporte une stabilité appréciable pour la gestion budgétaire, entraîne néanmoins une perte moyenne de 5 jours d’indemnisation par an pour les allocataires qui ne consomment pas la totalité de leurs droits. Les jours « excédentaires » des mois de 31 jours sont toutefois reportés en fin de droits.
Modification des conditions d’affiliation : durée de travail requise
Pour bénéficier de l’assurance chômage, les critères d’éligibilité restent stables pour la plupart des demandeurs d'emploi :
- Si vous avez moins de 55 ans : vous devez justifier de 6 mois de travail sur les 24 derniers mois
- Si vous avez 55 ans ou plus : cette période de référence s’étend à 36 mois (Source : Unédic)
Une exception notable concerne les travailleurs saisonniers, qui doivent désormais justifier de 5 mois de travail (108 jours ou 758 heures) dans les périodes de référence applicables. Pour Thomas, guide de haute montagne l’hiver et moniteur de kayak l’été, cette mesure facilite l’accès aux allocations entre deux saisons d’activité.
Nouvelles durées d’indemnisation selon l’âge : les seuils relevés
Les seuils d’âge pour les durées maximales d’indemnisation ont été relevés de 2 ans, en cohérence avec la réforme des retraites :
- Moins de 55 ans : 18 mois maximum (548 jours)
- 55-56 ans : 22,5 mois (685 jours)
- 57 ans et plus : 27 mois (822 jours)
Cette évolution affecte particulièrement les demandeurs d'emploi de 53-54 ans, qui perdent le bénéfice d’une durée prolongée d’indemnisation. Par exemple pour Martine, 54 ans, licenciée après 30 ans dans le même service comptable, la nouvelle règle réduit sa période d’indemnisation de 22,5 à 18 mois.
Calcul repensé de la durée d’indemnisation : limitation des périodes non travaillées
La durée d’indemnisation prend en compte tous les jours calendaires entre le premier et le dernier contrat, qu’ils soient travaillés ou non. Depuis avril, les périodes d’inter-contrats sont davantage pénalisées : elles sont désormais plafonnées à 70% des jours travaillés, contre 75% auparavant.
Cette mesure vise à limiter les stratégies d’alternance entre périodes d'emploi et de chômage. Pour un intermittent comme Julien, qui enchaîne des contrats courts dans l’événementiel, cette mesure pourrait réduire sa durée d’indemnisation d’environ 5%.
Dégressivité des allocations élevées : seuil abaissé à 55 ans
Bonne nouvelle pour les cadres seniors : l’âge à partir duquel la dégressivité ne s’applique plus est abaissé à 55 ans, contre 57 ans auparavant. Cette dégressivité, qui réduit de 30% l’allocation à partir du 7e mois, concerne les allocations journalières supérieures à 92,57 € (environ 4 915 € bruts mensuels).
Le contrat d’engagement : nouvelle pierre angulaire du retour à l'emploi
Un document personnalisé mais contraignant
« Signez ici. » Cette phrase, des milliers de demandeurs d'emploi l’entendent désormais lors de leur premier rendez-vous à France Travail. Le contrat d’engagement, qui remplace l’ancien PPAE, doit être établi dans les 30 jours suivant l’inscription et précise :
- Le type d'emploi recherché (secteur, compétences requises, type de contrat)
- La zone géographique de recherche (locale, régionale ou nationale)
- Le niveau de salaire attendu
- Les actions concrètes à réaliser par le demandeur et par France Travail (Source : Service-Public.fr)
Ce document s’applique désormais à tous, y compris aux bénéficiaires du RSA automatiquement inscrits à France Travail depuis janvier.
Des obligations renforcées et contrôlées
Le contrat d’engagement n’est pas une simple formalité. Il engage le demandeur d'emploi à :
- Mener des recherches actives et régulières
- Participer aux actions prévues (formations, ateliers, bilans de compétences)
- Se présenter aux rendez-vous fixés
- Fournir des preuves de ses démarches (candidatures, réponses des employeurs)
- Accepter les offres considérées comme « raisonnables » (Source : France Travail)
Le non-respect de ces obligations peut désormais entraîner des sanctions graduelles, mais réversibles.
L’offre raisonnable d'emploi : une notion clarifiée
Qu’est-ce qu’une offre « raisonnable » qu’on ne peut refuser sans risque? La réforme apporte des précisions importantes :
Une offre est considérée comme raisonnable lorsqu’elle correspond à vos qualifications, à votre zone de recherche et à un niveau de salaire cohérent avec les pratiques du marché français. Cette dernière précision, introduite en mars 2025, vise particulièrement les travailleurs frontaliers qui ne peuvent plus baser leurs prétentions sur les salaires suisses ou luxembourgeois (Source : Service-Public.fr).
Le refus de deux offres raisonnables sans motif légitime peut entraîner une radiation et la suppression des allocations.
Un nouveau régime de contrôle et de sanctions : plus flexible mais plus intensif
Des contrôles plus fréquents mais moins automatiques
France Travail revoit complètement sa stratégie de contrôle depuis juin 2025 :
- Fin des sanctions automatiques en cas d’absence à un entretien
- Évaluation globale du comportement du demandeur d'emploi avant sanction
- Contrôles possibles sans notification préalable
- Objectif ambitieux de 1,5 million de contrôles annuels d’ici 2027
Pour Sophie, qui a manqué un rendez-vous pour accompagner son fils malade chez le médecin mais qui recherche activement du travail, cette approche plus personnalisée lui a évité une radiation automatique.
Des sanctions progressives et réversibles
Le système de sanction a été entièrement refondu pour devenir plus nuancé :
- Premier manquement : suspension partielle des allocations (minimum 30%) pour 1-2 mois
- Récidive : suppression partielle (minimum 30%) pour 1-4 mois
- Manquement grave : radiation et suppression totale pour 4 mois
L’innovation majeure réside dans la réversibilité des sanctions : dès que le demandeur se conforme à ses obligations, la sanction peut être levée et les versements reprendre.
Dispositions spécifiques pour certaines catégories de demandeurs d'emploi
Seniors : des aménagements pour un public vulnérable
Face aux difficultés particulières des seniors sur le marché du travail, plusieurs mesures sont maintenues ou adaptées :
- Allongement possible de 4,5 mois (137 jours) de l’indemnisation pour les 55 ans et plus qui suivent une formation
- Maintien des droits jusqu’à la retraite à taux plein, avec un âge progressivement relevé à 64 ans
- Exemption de la dégressivité dès 55 ans pour les hauts revenus
Ces dispositions reconnaissent la réalité du marché de l'emploi pour les seniors, dont la durée moyenne de chômage reste deux fois supérieure à celle des autres demandeurs d'emploi.
Plus de flexibilité pour les reprises d'emploi
La réforme encourage l’essai de nouveaux postes en assouplissant les conditions de retour à l’indemnisation :
Un demandeur d'emploi qui reprend un travail puis le quitte dans les 4 mois (contre 3 mois auparavant) peut retrouver ses droits initiaux sans être considéré comme démissionnaire. Cette mesure favorise la prise de risque et l’adaptation à de nouveaux environnements professionnels.
Entrepreneurs : un soutien encadré
Pour les créateurs d’entreprise, le cumul des allocations avec les revenus de l’activité est désormais plafonné à 60% des droits restants, et le second versement de l’aide à la création d’entreprise est conditionné à la poursuite effective de l’activité.
Des allocations revalorisées mais modérément
Au 1er juillet 2025, les 2,1 millions d’allocataires ont bénéficié d’une revalorisation de 0,5% de leur allocation, portant par exemple l’allocation minimale à 32,13 € par jour et la partie fixe de l’ARE à 13,18 €.
Cette augmentation, inférieure à l’inflation, résulte d’un compromis entre soutien aux demandeurs d'emploi et préservation de l’équilibre financier du régime.
La réforme en pratique : des parcours transformés
Pour mieux saisir l’impact concret de cette réforme, prenons trois situations typiques :
Laurent, 42 ans, cadre marketing licencié après 15 ans dans la même entreprise Avec un salaire de 5 200 € bruts mensuels, son allocation journalière dépasse le seuil de 92,57 €. Après six mois d’indemnisation, son allocation baissera de 30%. Sa durée maximale d’indemnisation est de 18 mois, avec un versement mensuel lissé sur 30 jours.
Marie, 56 ans, assistante administrative en fin de CDD Elle bénéficie d’une durée d’indemnisation maximale de 22,5 mois, pouvant être prolongée de 4,5 mois si elle suit une formation. Sa période de référence pour calculer ses droits est de 36 mois, ce qui lui permet d’inclure des périodes d'emploi plus anciennes.
Karim, 34 ans, travailleur saisonnier dans le tourisme Il peut désormais ouvrir des droits après 5 mois de travail saisonnier (contre 6 auparavant). Sa durée d’indemnisation minimale est également de 5 mois, mais le plafonnement à 70% des périodes non travaillées pourrait réduire sa durée totale d’indemnisation.
Quel avenir pour l’assurance chômage ?
Cette réforme représente une nouvelle étape dans l’évolution du modèle social français, cherchant à concilier protection des personnes privées d'emploi et incitation au retour à l’activité.
Avec des économies attendues entre 2,3 et 3,6 milliards d’euros sur quatre ans, elle contribue à l’assainissement financier du régime, mais soulève des interrogations sur son efficacité réelle pour atteindre le plein emploi visé par le gouvernement d’ici 2027.
L’équilibre entre accompagnement et contrôle, entre flexibilité et sécurité, sera déterminant pour évaluer la réussite de cette réforme ambitieuse qui transforme en profondeur le paysage de l’assurance chômage en France.

Yann, 35 ans, passionné par les enjeux de société et de politique, porte un regard libre et attentif sur le monde qui l’entoure. Installé à Strasbourg, ville qu’il affectionne tout particulièrement, il décrypte l’actualité avec curiosité, rigueur et une volonté constante de comprendre et faire comprendre les dynamiques à l’œuvre dans notre époque