Le débat sur l’impact environnemental des véhicules électriques versus hybrides vient de connaître un nouvel épisode. Akio Toyoda, le président de Toyota, a jeté un pavé dans la mare avec des déclarations qui remettent en question l’avantage écologique des voitures 100% électriques. Mais qu’en est-il vraiment ? Entre calculs partisans et réalité scientifique, le sujet mérite d’être décortiqué.
La déclaration polémique d’Akio Toyoda
Avril 2025 restera peut-être comme un tournant dans le débat sur la mobilité propre. Lors d’une interview accordée au journal Automotive News, le patron de Toyota a affirmé sans ambages qu’une voiture électrique polluerait autant que trois véhicules hybrides. Une déclaration qui a immédiatement enflammé les réseaux sociaux et relancé les discussions entre experts.
Le chiffre avancé est sans appel : « neuf millions de véhicules électriques ont le même impact en termes d’émissions que 27 millions de véhicules hybrides ». Derrière cette affirmation se cache une réalité souvent oubliée : l’impact environnemental d’un véhicule dépend étroitement du mix énergétique du pays où il circule. Et sur ce point, le Japon présente des caractéristiques bien particulières.
Le contexte énergétique japonais : un cas d’école
Pour comprendre la position de Toyota, il faut plonger dans les particularités du système énergétique nippon. En 2022/23, les centrales à charbon représentaient encore 30,8% de la production électrique nationale, tandis que le gaz naturel comptait pour 33,7%. Des chiffres qui donnent le vertige quand on les compare à ceux de la France, où le nucléaire domine, ou des pays scandinaves, champions des énergies renouvelables.
Concrètement, chaque kilowattheure produit au Japon émet des quantités massives de CO2 : environ 820g pour le charbon, 490g pour le gaz naturel. Quand on sait qu’une voiture électrique moyenne consomme 15 kWh aux 100 km, le calcul devient vite alarmant. Mais est-ce vraiment représentatif de la situation mondiale ?
L’analyse du cycle de vie : au-delà des apparences
Pour juger objectivement l’impact environnemental des véhicules, les spécialistes utilisent l’analyse du cycle de vie complet. Et là, les résultats sont plus nuancés qu’il n’y paraît.
Le poids écologique de la production
Personne ne le nie : fabriquer une voiture électrique coûte cher à la planète. La production d’une batterie de 40 kWh (comme celle équipant une Nissan Leaf) génère environ 2 920 kg de CO2. Pour une Tesla avec sa grosse batterie de 100 kWh, on monte à 7 300 kg. À titre de comparaison, une voiture thermique classique émet « seulement » 6 à 9 tonnes de CO2 lors de sa fabrication.
Mais cette dette carbone initiale se compense avec les kilomètres. En France, où l’électricité est peu carbonée, il faut rouler entre 30 000 et 40 000 km (soit 2 à 3 ans d’utilisation moyenne) pour que l’électrique devienne plus vertueux que l’hybride. Sur une durée de vie totale de 200 000 km, le bilan penche clairement en faveur du 100% électrique.
Ce que disent vraiment les études scientifiques
Face aux affirmations de Toyota, la communauté scientifique apporte des nuances importantes. Plusieurs études récentes contredisent catégoriquement la position du constructeur japonais.
L’université Tsinghua a publié en 2022 des résultats étonnants, même en Chine, où le charbon domine largement le mix énergétique, les voitures électriques émettent 20 à 30% de CO2 en moins sur leur cycle de vie complet. Le CATARC, centre de recherche automobile chinois, va plus loin : une compacte électrique émet environ 118 g de CO2 par kilomètre, contre 163 g pour son équivalent essence.
Quant aux hybrides rechargeables, leur bilan réel s’avère souvent décevant. Une étude suisse a révélé que ces véhicules émettaient 116% de CO2 en plus que leurs valeurs officielles en conditions de conduite réelle, particulièrement en terrain montagneux. En comparaison, les thermiques classiques ne dépassaient leurs valeurs WLTP que de 26%.
L’évolution du marché européen
Les chiffres de vente en Europe en 2024 racontent une autre histoire. Les véhicules 100% électriques représentent désormais 14% du marché, contre 7% pour les hybrides rechargeables et 32% pour les hybrides classiques. En Belgique, la progression est spectaculaire : les technologies « propres » (hybrides et électriques) sont passées de 8% des ventes en 2019 à 66% en 2024.
Stratégie industrielle ou réel souci écologique ?
La position de Toyota ne sort pas de nulle part. Le constructeur japonais mise depuis des années sur une stratégie « multi-voies », développant simultanément des hybrides, des électriques, des thermiques améliorés et même des véhicules à hydrogène. Une approche qui lui permet de couvrir tous les marchés, mais qui explique aussi sa réticence à abandonner ses technologies historiques.
Reste que la majorité des études indépendantes donnent raison aux véhicules électriques, surtout dans les pays où l’électricité est peu carbonée. Avec la transition énergétique en cours, cet avantage devrait même se renforcer dans les années à venir. La déclaration d’Akio Toyoda fait donc surtout office de coup médiatique pour défendre les hybrides, fleuron technologique de Toyota.
Au final, la réponse à la question initiale dépend largement du contexte local. Dans un pays comme le Japon, encore très dépendant des énergies fossiles, l’argument de Toyota trouve une certaine justification. Mais à l’échelle mondiale, et surtout en Europe, les véhicules électriques conservent un avantage environnemental indéniable à moyen et long terme. Une nuance que le constructeur japonais a peut-être oublié de mentionner…
Source : https://ackodrive.com/news/toyota-chief-s-bold-ev-pollution-claim-faces-backlash/

Yann, 35 ans, passionné par les enjeux de société et de politique, porte un regard libre et attentif sur le monde qui l’entoure. Installé à Strasbourg, ville qu’il affectionne tout particulièrement, il décrypte l’actualité avec curiosité, rigueur et une volonté constante de comprendre et faire comprendre les dynamiques à l’œuvre dans notre époque