Ce 25 juin 2025 marquera une étape décisive dans la quête de justice de l’Ukraine. Volodymyr Zelensky effectuera sa première visite officielle au Conseil de l’Europe à Strasbourg, dans un contexte d’escalade de la guerre d’agression russe. Cette visite, orchestrée à l’invitation du secrétaire général Alain Berset, s’inscrit dans une démarche cruciale pour l’avenir de la justice pénale internationale.
Dans un contexte diplomatique sous haute tension
La visite du président ukrainien intervient à un moment particulièrement critique du conflit. Depuis l’invasion massive du 24 février 2022, la guerre s’intensifie, ponctuée d’attaques parmi les plus meurtrières jamais enregistrées.
Cette initiative diplomatique fait suite aux récents échanges de Zelensky avec ses alliés britanniques, visant à « accroître la pression » sur Moscou. L’agenda strasbourgeois s’articule autour de deux rencontres majeures : une allocution devant le Comité des ministres, présidé par Ian Borg, vice-Premier ministre maltais, puis une intervention devant l’Assemblée parlementaire.
Le tribunal spécial, enjeu judiciaire majeur
Au cœur de cette visite se trouve l’avancement du projet de tribunal spécial pour le crime d’agression contre l’Ukraine. Cette juridiction exceptionnelle, dont la création a été approuvée lors de la réunion annuelle à Luxembourg le 14 mai 2025, vise à combler une lacune cruciale dans le système de justice pénale internationale.
Contrairement à la Cour pénale internationale (CPI), compétente pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, ce tribunal spécial pourra poursuivre les responsables du crime d’agression lui-même. Cette distinction s’avère fondamentale : elle permet de juger les dirigeants qui ont décidé et planifié l’invasion, pas seulement ceux qui ont commis des exactions sur le terrain.
Les défis légaux et diplomatiques
La mise en place de cette juridiction soulève des questions complexes de droit international. Le tribunal ne pourra poursuivre Vladimir Poutine, son Premier ministre ou son ministre des Affaires étrangères tant qu’ils exercent leurs fonctions, en raison des immunités diplomatiques en vigueur.
L’architecture institutionnelle prévue s’appuiera sur un accord entre l’Ukraine et le Conseil de l’Europe, avec un statut spécifique gouvernant son fonctionnement. Cette stratégie pragmatique contourne les blocages potentiels au niveau onusien, où la Russie dispose d’un droit de veto au Conseil de sécurité.
Un engagement européen renforcé
Le Conseil de l’Europe, qui réunit 46 pays européens, s’est positionné comme un acteur clé du soutien à l’Ukraine depuis les premiers jours de l’invasion. L’exclusion de la Russie le 16 mars 2022 avait marqué une rupture historique dans l’architecture européenne de coopération.
Alain Berset a souligné l’importance de cette démarche : « L’agression ne doit pas rester impunie. Ce tribunal spécial vise à garantir la responsabilité, et à faire en sorte que celles et ceux qui portent la plus grande part de responsabilité répondent de leurs actes. » Cette position reflète la détermination européenne à maintenir l’ordre international.
Au-delà du tribunal, un écosystème de justice
La démarche du Conseil de l’Europe ne se limite pas au tribunal spécial. L’organisation pilote également le Registre des dommages pour l’Ukraine (RD4U), opérationnel depuis le sommet de mai 2023. Ce mécanisme a déjà reçu plus de 34 000 demandes d’indemnisation pour les préjudices causés par l’agression russe.
Parallèlement, la Cour européenne des droits de l’homme demeure la seule juridiction internationale à statuer sur les violations des droits humains dans le contexte de cette guerre. Cette approche multidimensionnelle illustre la volonté européenne de couvrir tous les aspects de la responsabilité judiciaire.
Les enjeux de légitimité internationale
Cette visite revêt une dimension symbolique forte pour Theodoros Rousopoulos, président de l’Assemblée parlementaire : « Je suis fier que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ait été la première instance internationale à demander la création d’un tribunal chargé de juger les dirigeants politiques et militaires de la Russie. »
Cette primauté revendiquée dans l’initiative judiciaire renforce la légitimité du Conseil de l’Europe comme gardien des valeurs démocratiques européennes. L’accueil « chaleureux » réservé à Zelensky à Strasbourg contraste avec les difficultés diplomatiques rencontrées dans d’autres enceintes internationales.
Perspectives et implications
La finalisation des instruments légaux nécessaires au lancement du tribunal constitue l’enjeu immédiat de cette visite. Les 20 à 30 hauts responsables russes visés par cette juridiction exceptionnelle pourraient faire l’objet de poursuites pour avoir planifié, préparé et exécuté cette guerre d’agression.
Cette initiative s’inscrit dans une logique de précédent historique, rappelant les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo après la Seconde Guerre mondiale. Elle témoigne de la volonté européenne de ne pas laisser impunis les crimes les plus graves contre la paix internationale.
L’aboutissement de ce projet dépendra largement de la coopération internationale et de la capacité des États européens à maintenir une pression diplomatique constante. La visite de Zelensky à Strasbourg constitue ainsi une étape cruciale vers l’établissement d’une justice pénale internationale renforcée, adaptée aux défis du XXIe siècle.

Yann, 35 ans, passionné par les enjeux de société et de politique, porte un regard libre et attentif sur le monde qui l’entoure. Installé à Strasbourg, ville qu’il affectionne tout particulièrement, il décrypte l’actualité avec curiosité, rigueur et une volonté constante de comprendre et faire comprendre les dynamiques à l’œuvre dans notre époque